Wings of Liberty [Pv. Archange]

Des années passées avec le seul souvenir restant de son défunt époux. La douleur avait habité l'âme de la chevalière depuis la nouvelle de sa mort. Pour la deuxième fois, elle venait de perdre l'homme qui avait partagé sa vie avec fidélité et compassion en vu de son apparence de Pardusse. Comment était-ce possible? Lui, mort? Le fier et fort soldat ténébreux n'avait pas plu sombrer aussi facilement dans les ténèbres, c'était impossible. La mort dans l'âme, la femme-chat avait demandé exile pendant une période indéterminée, histoire qu'elle reprenne un peu de force. La veuve était épuisée, à bout de tout et sombrait peu à peu dans une nostalgie qui la détruisait.

Certes, ses frères et sœurs lui accorda sa demande voyant de leur propre yeux à quel point elle dépérissait. Après une matinée complète avec sa tendre fille, la Pardusse déposa un baiser sur le front de cette dernière lui expliquant par la suite que sa mère partirait quelque temps. Sous la bonne responsabilité d'Erwig et Sara, la femme n'avait nullement d'inquiétude à laisser sa progéniture entre leurs mains. Bifurquant ensuite vers les écuries, elle croisa Sara, assise sur le rebord de la grand muraille, un baluchon à la main. Une mince couche de rosé sur les joues portait à croire que la servante avait versé quelques larmes. Se redressant à la venue de la Pardusse, elle se mit droite comme une épée, comme si elle tenait à retenir ses sanglots à venir. Un sourire apparu sur les lèvres de la femme-chat alors qu'elle déposait une main réconfortante sur l'épaule de cette dernière. Une puissante vague d'apaisement parcourra le corps de la vielle femme. Évidemment, celle-ci aurait espérer que sa protégé prenne une autre décision pour apaiser sa souffrance, mais elle en comprenait tout de même la nécessité de son besoin d'isolement provisoire.

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De retour à Émeraude, la Pardusse laissa son cheval aller à son propre rythme sur la route qui menait au château. Humant l'air autour d'elle, il est vrai que les bonnes odeurs et la fraîcheur du royaume lui avaient manqués. Accélérant le pas, elle passa enfin le pont-levis sous les regards des gardes plus haut. Ce fut d'abord Sara qui traversa les grandes portes en dévalant les marches comme s'il y avait le feu. Le sourire qu'éclairait le visage du chevalier rassura aussitôt la vielle servante déjà épuisée de sa course. Haletante devant la monture, elle prit brusquement la main de sa protégé dans la sienne pour ensuite y lover sa joue. Reprenant un air plus sérieux, elle déposa les mains sur les hanches en tapant du pied. À sa demande silencieuse, Suki descendit de sa monture afin de pouvoir prendre sa mère adoptive entre ses bras.

La vielle servante serra si fort le chevalier, qu'elle crut qu'elle allait suffoquer. Les palefreniers s'occupèrent rapidement de la monture alors que les deux femmes entrèrent dans le palais en jacassant comme des pies. Voilà plus d'une semaine que Suki avait quitté le palais et elle le retrouva exactement dans le même état qu'à son départ. Ne dit-on pas que les meilleurs choses ne changent jamais? Bien évidemment, son premier arrêt fut dans ses appartements où elle trouva sa fille assise sur leur lit, jouant avec des chevaux de bois, accompagné d'une jeune servante que Suki n'avait jamais vue auparavant. Sans doute l'apprentie de Sara, ce dit le chevalier intérieurement. À la suite de son retour, la vie du chevalier recommença tout à fait là où elle l'avait laissé. Ses entraînements militaires avec Zac', durant l'avant-midi, pour finir la soirée avec sa fille. Tout allait pour le mieux, Suki ne semblait plus sombrer d'une quelconque façon. Elle avait même fait vidé sa chambre des affaires de Zaylar afin de passer définitivement à autre chose.

La chevalière reprit goût à cette vie, par la suite. Femme célibataire, elle s'occupait de son mieux de sa fille, accompagné de Sara et d'autre servante. Pourtant, ce fut Archange qui se montra plus présente que les autres. Ayant toujours été une précieuse amie de son défunt, elle ne l'avait pas connue comme lui. Avec le temps, Suki apprit à connaître d'avantage la bleue et elle s'en prit profondément en affection au bout de quelques temps. Au fond, la femme n'était pas si froide qu'elle l'avait crue.

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Un matin, alors que Suki faisait prendre le bain à Kazhenn, elle réfléchissait à la manière de remercier Archange qui était, maintenant, devenue un incontournable de sa vie. Les deux femmes passaient le plus clair de leurs temps ensemble, et la Pardusse lui était infiniment reconnaissante pour tout ce qu'elle avait fait pour elle et sa fille. Son soutient s'était d'ailleurs montré plus convainquant qu'elle ne l'aurait espérée et crue de sa part. Finissant de rincer les courts cheveux de la petite, Suki l'enroula dans une serviette de bain puis la prit dans ses bras en la berçant doucement de gauche à droite. Elle contempla son visage d'ange, le sourire aux lèvres, attendrit par sa petite bouille.

- Oh toi, je te jure, tu ferais même craquer l'Empereur noir lui-même. Ria doucement la Pardusse en déposant sa fille sur son lit.

Allant fouiller dans la commode, elle sortie une petite robe, bleu poudre orné de ficelles vertes clairs, qu'elle entreprit de lui faire enfiler. Une fois fait, la Pardusse alla chercher la brosse afin de lui peigner les cheveux, pour finir le travail matinal d'une bonne maman. Ayant enfanté au milieu d'une guerre, la chevalière n'avait eu que peu souvent le loisir de se concentrer uniquement sur son rôle de mère. Et, indéniablement, elle en savourait chaque instant depuis son retour de solitude.

- Par hasard, tu n'aurait pas une idée de cadeau pour remercier Archange? Demanda la mère à sa fille en brossant de haut en bas.

Se souvenant d'un arrangement qu'elle lui avait fait quelques temps auparavant. La seule idée qui lui venait à l'esprit était de trouver une bonne bouteille d'eau de vie, connaissant le penchant de la bleue pour les breuvages alcoolisés. Seulement, elle trouvait cette option quelque peu commun. C'est à cette instant que Sara entra dans la chambre de Suki, heureuse de la voir s'occuper de sa fille de la sorte.

- De quoi parliez-vous? Demanda la servante curieuse.

Un soupire parcourra les lèvres de la femme-chat alors qu'elle posa un regard doux sur la vielle femme.

- J'aimerais pouvoir remercier Archange comme il se doit, mais je n'ai aucune idée qui me vient en tête! Chiala Suki.

La servante regarda droitement la Pardusse avec un air interrogateur.

- Et bien, offre-lui quelque chose qui te tient à cœur, à la mesure de ta reconnaissance. Proposa alors la vieille femme.

- Mais... Si elle ne l'aime pas? Ou pire, si elle voyait ce cadeau comme minime face à ce qu'elle a fait pour nous? Argumenta prestement la chevalière.

Pessimiste devant la soudaine nervosité de sa '' fille '', la servante croisa les bras sur son énorme poitrine.

- Un cadeau, c'est un cadeau voyons! Le geste compte d'avantage que l'objet en question mon enfant. Comment ça-t-elle. Depuis quand à tu si peur de ce que les autres peuvent penser de toi? Renchérit-elle soucieusement.

Un second soupire de lassitude parcourra la pièce tandis que la jeune femme se mordillait la lèvre inférieur.

- Tu.. Tu as raison Sara. Souffla-t-elle finalement.

Réfléchissant encore à un objet digne de son remerciement, elle parcourra la pièce du regard à la recherche de ce qu'elle cherchait. C'est alors que son regard ce posa sur une amulette accrochée sur le coin du miroir. Celle-ci avait appartenu autrefois à Rhafaelle, son amie d'enfance. Chaque une d'entre-elles en avaient une copie identique. Elles avaient ainsi scellé leur amitié par le passé. Puisque Raf avait, des années plus tard, trouvé la mort lors des batailles, Suki n'avait pu que récupérer le médaillon en question en guise de souvenir. La Pardusse n'avait jamais oublié son amie, mais aujourd'hui, Archange avait prit sa place dans son cœur, et plus encore.

- Je sais maintenant... Articula la femme, le regard toujours rivé sur le pendentif.

Le passé appartenait au passé, et il était plus que temps qu'elle aille de l'avant. Décidé à l'offrir à la bleue, non seulement en guise de remerciement, mais également en guise de son sentiment sincère à son égard. Elle prit alors l'objet du bout des doigts avant de le décrocher soigneusement de son soutient. Sara fut quelque peu surprise de ce choix mais décida de ne rien dire. Dans une demande silencieuse, elle confia Kazhenn à Sara alors qu'elle quitta la pièce d'un pas assuré, l'amulette en main. Elle tourna finalement dans un couloir alors qu'elle s'arrêta devant la porte de la chambre de la bleue. Cognant doucement, elle n’eut aucune réponse, et retenta le coup. Peut-être dormait-elle encore qui sait? Suki entrouvrit donc la porte pour jeter un œil rapide dans la pièce et constata qu'Archange ni était pas. Ce concentra pour la trouver à travers le palais, chose qu'elle aurait dû faire en premier lieu d’ailleurs, elle la sentit soudainement dans le hall des chevaliers. Elle tourna les talons et descendit donc les escaliers deux par deux avant de ce retrouver dans le hall. La bleue était bien assise à une table et Suki se faufila discrètement derrière elle. Sachant que son amie n'aimait pas vraiment les surprise, elle se présenta tout de même.

- Ce n'est que moi. Commença-t-elle. J'ai quelque chose pour toi. Ajouta-t-elle dans un ton de joie en lui passant l'amulette autour du cou.

Elle fit bien attention à ne pas coincé les cheveux de la bleue, et alla s'asseoir ensuite à côté d'elle en silence.

Breaks the ice of my heart, angel

Épuisée, c’était le mot qui convenait à Archange en ce moment. Elle était épuisée des récents évènements. Par où commencer ? Eh bien, tout a démarré depuis la bataille de Diamant déjà. Elle y avait participé en tant que lieutenante de leur cheffe, ça avait été un honneur même si elle ne semblait pas très enthousiaste à l’idée de prendre la tête d’une partie des troupes, ce n’était pas vraiment son style il faut dire. Enfin, là n’est pas le plus grave : ce qui l’a le plus miné, c’était qu’ils perdent le prince de Fal. La mission qu’on leur avait assigné était de la ramener vivant, coûte que coûte ; et malheureusement, Irianeth parvint à extraire leur proie du château diamantais avant de le ramener sur le continent noir. C’était une défaite, encore une fois. Archange s’était engagée dans l’Ordre tout d’abord pour libérer Shola, le reste pouvait attendre, mais lorsqu’elle voit ce dont étaient capables les chevaliers d’Émeraude, elle avait fini rapidement par perdre espoir. Il n’y avait plus d’espoir pour Enkidiev selon elle, par contre elle ne baisserait jamais les bras pour Shola, jamais ! Elle avait fait une lourde promesse à son peuple, elle n’avait pas le droit de balayer cette assurance d’une main. Néanmoins, elle resta pessimiste sur l’avenir, ses visions étaient d’ailleurs devenues beaucoup trop floues depuis cet évènement à Diamant. Le seul gain qu’ils avaient pu en tirer, c’est que la rébellion était inévitable dans ce pays, mais est-ce que cela changera quelque chose ? Sûrement pas, pour la bleue, sa rébellion à Shola s’était bien soldée par un lamentable échec après tout… Enfin, le passé était loin derrière, il fallait qu’elle tente de se remonter le moral, autant pour elle que pour ses camarades.

Et comme si ses prières avaient été exaucées, Archange reçut quelque chose qu’elle attendait depuis bien longtemps : des lettres. Contrairement à la plupart de ses frères et sœurs d’arme, elle n’avait pas de bonnes relations avec ses parents : sa mère étant décédée et son père le plus grand tyran qu’elle n’ait vu. Néanmoins, quand elle était encore qu’une sholienne sans toit, elle s’était liée avec d’autres orphelins : quatre enfants dont trois filles et un garçon. Ce dernier a été pendu par le père d’Archange alors qu’il n’était encore qu’un gamin, les autres filles étaient restées vivantes et la bleue avait finie par les considérer comme ses sœurs de substitution. Dans sa "famille", il y avait également sa nourrice : Nanie, une courtisane qui l’a élevée dans le bordel où elle travaille ; cette femme était considérée par Archange comme sa mère, après tout Nanie avait été la meilleure amie de la mère de la bleue apparemment. Il y avait enfin son oncle qui était un agent de son père mais qui est de son côté, du moins c’est ce qu’elle tente du mieux de croire même si les doutes persistent. On pouvait dire, en quelque sorte, que la princesse déchue avait fait une croix sur sa véritable famille génétique afin d’accueillir ses trois sœurs et sa mère dans sa nouvelle famille. Bien sûr qu’elle aimait également ses frères et sœurs d’arme, mais c’était plus une fraternité qu’une famille pour elle, sauf pour certains chevaliers qui ont une place plus importante dans le cœur de la bleue.

En tout cas, en quittant Shola pour un temps indéterminé afin de rejoindre l’Ordre, la sholienne pensait ne plus avoir de nouvelles de ses connaissances du pays de glace. Pourtant, depuis quelques années, son oncle eut l’ingénieuse idée de faire passer secrètement des lettres entre Émeraude et Shola grâce à un intermédiaire, afin qu’elle puisse correspondre avec sa mère et ses sœurs de substitution. Ainsi elle avait des nouvelles du pays de glace tous les quatre mois environ, il faut dire qu’il est difficile de faire passer des correspondances entre un royaume libre et un autre assujetti par les tanieths, elle comprenait la sale besogne de son oncle pour une fois. L’essentiel étant qu’elle puisse échanger quelques mots avec elles, afin de ne jamais perdre contact. Recevoir ces lettres apportait un nouveau souffle de vie à la demi-elfe qui se jetait dessus comme une gamine ayant reçu la dernière robe du tailleur du coin. Généralement, lorsque ce genre de moment survient, Archange oublie totalement ses devoirs de chevaliers afin de dévorer durant des heures et des heures les lettres de ses proches, les relisant souvent plusieurs fois. Cette fois-là, elle les avait reçus au crépuscule, elle délaissa donc son écuyer afin de s’enfermer dans sa chambre, dos au mur, assise sur son lit, les pieds nus et les jambes croisées sur les draps.

Il ne faut au grand dam jamais déranger la bleue lorsqu’elle lit son courrier, elle s’isole complètement car elle a dû mal à masquer ses émotions devant ces bouts de papiers ayant de la grande valeur à ses yeux. Archange commençait toujours par feuilleter les lettres de ses sœurs. Tout d’abord, c’était celle d’Aline, l’aînée des trois sœurs, sa grande sœur de substitution et un peu colérique sur les bords, tout comme elle. Elle donnait des nouvelles en annonçant qu’elle avait enfin trouvé un travail en tant que serveuse dans une taverne ; elle détestait travailler dans une maison-de-passe, cela lui rappelait trop sa défunte mère qui faisait le trottoir pour subvenir aux besoins de ses filles. Ensuite Luscina qui avouait avoir des sentiments pour un noble humain, celui-ci venait lui parler tous les soirs devant le bordel ; en s’attirant ses bonnes grâces, peut-être qu’elle parviendra à améliorer leur condition. Enfin Sara, fougueuse dans l’âme, était malade, enrhumée à force de trop traîner dehors, au moins la cadette des trois sœurs s’occupait d’elle comme une mère. Prendre des nouvelles de ce trio de blondes fit sourire la bleue, au moins elle s’accrochait mieux à la vie qu’auparavant, on pouvait parfois croire qu’elle n’était plus soumise à l’Empire, mais là n’était qu’illusion. La princesse sholienne passa alors aux choses plus sérieuses en lisant la lettre de son oncle Solki : il disait que Kasdan, le père de la bleue, n’avait pas changé depuis le temps, qu’il pensait toujours que sa fille était morte et il contemplait tous les soirs la fleur de Siliën, la mère d’Archange, celle qu’il s’était emparé en repoussant la tentative d’assassinat de sa fille. La bleue avait terriblement regretté perdre ce présent. Elle en avait même nourri une sorte de tradition avec Nanie : elle envoyait une petite boîte semblable à celle qui renfermait la fleur de sa mère, cette boîte contenait à la fois les lettres et une fleur de glace qu’elle a sculpté avec ses pouvoirs ; Nanie faisait la même chose dès qu’elle expédiait les lettres, mais elle offrait une vraie fleur très ressemblante à celle de sa mère. Cette plante était bleue et ses pétales s’épanouissement régulièrement comme des pics de glace prenant naissance depuis le pistil de la fleur. Vu qu’elle poussait généralement dans les montagnes enneigées, difficile pour cette fleur naturelle de vivre dans un environnement tel que celui d’Émeraude. Malgré tout, Archange s’en occupait le plus possible, rien que pour l’admirer comme si c’était celle de sa propre mère, jusqu’à ce qu’elle s’affaisse.

Après la lecture complète de ces documents, la princesse s’effondrait sur son lit, fermant les yeux pour repenser à son royaume natal. Elle aimerait tant revenir mais le devoir l’appelait, elle ne pourrait pas trahir l’Ordre tant que Shola ne sera pas libéré ; mais lorsque ce jour viendra, elle se sentira obligé de faire ses adieux à ses frères et sœurs d’arme, c’était inévitable vu son patriotisme… Enfin bref, la sholienne chassa ces idées noires pour s’endormir un peu. Elle se réveilla très tôt le matin, non pas pour réveiller son écuyer mais plutôt pour être tranquille lorsqu’elle rédigera sa propre lettre pour sa famille. Après réflexion, elle décida plutôt de se barricader dans le hall des chevaliers, il n’y aurait normalement personne à cette heure-ci, puis les autres pièces du château n’étaient pas trop à son goût. De toute manière, elle avait besoin d’espace, alors voilà le hall était tout désigné. Ainsi donc, elle ramena toutes ses lettres et les déposa sur la table, puis elle s’empara de la boîte de la fleur qui était maintenant vide pour y déposer la dernière fleur de glace qu’elle venait de créer, renfermant ensuite délicatement le petit coffret pour la garder loin de toute chaleur. Ensuite de quoi, Archange s’empara d’un parchemin vierge, de l’encre et une plume afin d’entamer la rédaction de sa propre lettre, relisant parfois quelques passages des lettres qu’elle avait reçu afin de compléter correctement tout ce qu’elle voulait dire. Le chevalier n’écrivit pas grand-chose avant qu’une arrivante vienne la déranger, elle aurait pu réprimander si ça n’avait pas été sa grande amie prénommée Suki. Se retournant plus ou moins rapidement sur la chaise, la bleue fut assez surprise qu’elle vienne à elle de cette manière.

" Ah, Suki. "

se contenta-t-elle de dire pour la saluer, ce n’était pas aussi affectif que d’habitude mais c’était juste qu’elle voulait être seule pour l’instant…

En fait, elle comptait même lui faire doucement comprendre ce message, mais la pardusse fut trop rapide. Déjà, la princesse était plutôt surprise par son entrée discrète, même ses oreilles elfiques, bien que plus arrondis que la moyenne, ne purent capter les pas de son amie ; elle se demandait vraiment ce qui lui prenait aujourd’hui pour être aussi coquette. Mais la plus grande surprise finit par arriver lorsque Suki annonça d’une voix enjouée qu’elle avait quelque chose à lui offrir. Un cadeau, tiens donc ? Archange écarquilla grandement les yeux lorsque sa sœur d’arme lui fit passer autour du cou ce qui semblait être une amulette. La pardusse ne rajouta rien, laissant son amie admirer elle-même ce présent. La bleue baissa la tête sur le collier et le fit glisser dans la paume de sa main, le regardant longuement. Il était vraiment joli, il contrastait avec le petit collier qui laissait suspendre un flocon bleuté, ce même collier ayant appartenu à sa mère autrefois et qu’Archange portait tout le temps. Friande en bijoux, c’était un très beau cadeau pour elle, c’est le peu qu’elle puisse garder pour revendiquer son titre de princesse, après tout elle était moins féminine que la plupart des autres femmes. Toujours sous le choc, la bleue leva le regard en direction de Suki, les yeux toujours un peu plus ouverts que communément.

" C’est… pour moi ? "

souffla-t-elle presque à demi-mots sans lâcher l’amulette de ses doigts, même si elle était toujours accrochée à sa nuque.

Question idiote, certes, Suki venait de dire qu’elle avait quelque chose pour elle, alors voilà, c’était bien un cadeau, mais il fallait bien comprendre que la sholienne avait été souvent seule à ses débuts et donc que c’était nouveau dans sa vie d’émérienne, pour dire c’est la première fois qu’on lui fasse un cadeau depuis son arrivée dans l’Ordre, normal qu’elle réagisse ainsi. Jetant un petit regard sur l’amulette avant de la relâcher pour la laisser pendre à son cou, Archange finit par darder une fois de plus sa meilleure amie, étirant un joli sourire sincère.

" Elle est magnifique. Merci beaucoup. "

remercia finalement le chevalier, accentuant un peu plus son sourire de tantôt.

Il était vraiment rare de la voir sourire ainsi, sauf quand elle boit mais là c’est une autre paire de manche. Suki semblait lui avoir redonné une certaine joie, elle sentait qu’elle allait s’attrister en rédigeant sa lettre vu qu’elle aurait repensé à son royaume, ses souffrances, etc… Bref, toujours la même chanson quoi. Mais là, c’était vraiment inattendu de sa part, elle ne l’avait même pas prédit pour dire ; et c’est tant mieux d’ailleurs, ses visions lui cachaient toujours les bonnes surprises, ça aurait eu beaucoup moins d’impact, c’était certain. Et pour finir, l’imprévu finit par arriver : Archange se mit à rougir. On pouvait lui pardonner cette soudaine prise de couleurs vu que c’était son premier cadeau, si on excepte les héritages que lui donnait sa nourrice à Shola. Venant de son amie, ça lui touchait beaucoup… Néanmoins, elle n’acceptait pas ce soudain dérapage de son corps, elle sentit rapidement que ses joues chauffaient un peu plus que d’habitude. Elle trouva rapidement un moyen de supporter cela en détournant le regard et en rangeant un peu le bordel qui était sur sa table.

" Oh, euh, ne fais pas attention à ce bazar… "

finit-elle par lâcher pour se détendre, l’atmosphère était devenue un peu trop pesante tout d’un coup.

Bien que ce soit la première fois qu’elle reçoive un présent de la part d’une amie, Archange reprit rapidement sa respiration normale, son cœur de glace battant un peu plus lentement que tout à l’heure. Quelle imbécile, elle se sentait faible d’agir ainsi. Bon, c’est sûr que rougir comme ça devant Suki était moins perturbant que devant quelqu’un d’autre de beaucoup moins proches, mais tout de même, ce n’était pas dans ses habitudes. Ah vraiment, la pardusse savait faire tourner en bourrique la bleue, ça doit être pour ça que cette dernière s’est liée d’amitié avec elle : parce qu’elle ne s’ennuyait jamais en sa compagnie. Dehors, en intérieur, à l’entraînement, lors d’un repas ou encore devant un pichet de vin, Archange se sentait toujours bien lorsque Suki était à ses côtés, alors que ce devait être l’inverse qui devait s’opérer vu que la sholienne voulait avant tout réconforter la jeune femme dans son deuil ; telle une mère compatissant pour son enfant, la princesse déchue restait une vraie mère-poule. Bref, ayant évité de justesse une moquerie de la part de la pardusse sur la rougeur de sa sœur d’arme, la bleue reprit la parole en se détendant un peu plus sur sa chaise, regardant de nouveau la femme-chat.

" Mais… en quel honneur ?

demanda-t-elle pour comprendre la justification de ce soudain cadeau, Archange ne lui avait jamais offert quelque chose de la sorte pourtant…

J’ai fait quelque chose de bien ou… tu veux que je t’offre à mon tour quelque chose ? Euh enfin, je veux dire…

elle n’était vraiment pas douée pour ce genre de conversation, encore une fois il ne fallait pas lui en vouloir, et Suki savait ô combien son amie n’avait jamais reçu une bonne éducation étant donné son passé de clocharde des neiges ; posant une main dans ses cheveux bleus, elle les gratta presque frénétiquement en baissant légèrement la tête.

Excuses-moi, c’est que c’est la première fois qu’on m’offre un cadeau, je ne sais pas trop comment réagir... "

assura-t-elle en tentant de nouveau de se calmer, c’était bien sa veine de se ridiculiser toute seule.

Même un aveugle saurait qu’Archie était nerveuse : si ce n’était pas son rougissement reprenant de plus belle qui le montrait, sa voix assez hésitante faisait tout le reste. Elle commençait à haïr la pardusse pour lui avoir fait une chose pareille, même si elle savait que ce n’était pas son intention. Déposant ses mains sur la table, elle souhaitait secrètement boire beaucoup d’eau tout d’un coup, mais elle attendait surtout que Suki la guide dans cette coutume des cadeaux vu que d’abord la bleue n’y connaissait rien et qu’ensuite elle ne voulait plus se montrer aussi tête-en-l’air devant son amie ; il fallait qu’elle reprenne le flambeau de la discussion.

L'attitude un peu enfantin de la pardusse avait toujours resté un peu malgré les années passés. Même adulte, elle gardait son cœur sincère et pur tel une gamine. Jamais Suki ne s'était demandé un instant pourquoi elle appréciait Archange, elle l'aimait un point c'est tout. La chevalière donnait toujours beaucoup de considération à ses émotions, qui, la plupart du temps, guidaient ses moindres fait et gestes. Et c'était ce matin, qu'elle avait choisit, pour montrer sa gratitude envers cette femme. Lui offrant une amulette qui avait une signification profonde pour elle, elle fut un peu surprise par la réaction de la bleue. À vrai dire, elle s'attendait d'avantage à se qu'elle rejette le cadeau gentiment le cadeau sans plus ni moins. Étrangement, Archange semblait même plutôt touchée par ce geste d'affection inattendu, ce qui l'a rendit en quelque sorte mal à l'aise. Suki ne répondit tout de même pas devant ces questions maladroites. Évidemment que c'était bien pour elle. La pardusse n'aurait jamais offert un tel cadeau à quelqu'un d'autre, surtout pas aussi précieux à ses yeux. Riant doucement à tout cela, elle tourna la tête en direction du feu afin de laisser le temps à la bleue de reprendre ses esprits. Décidément, ce n'était vraiment pas dans ses habitudes de recevoir des présents. Suki s'en fut quelque peu désolée pour elle, même si, elle ne laissa aucunement paraître sa fine tristesse pour son amie. En se retournant de nouveau vers elle, elle contempla pendant un instant le sourire qu'elle arborait. Elle lui renvoya naturellement, en se disant qu'elle aimerais la voir aussi heureuse plus souvent. Un simple remerciement suivit, accompagné d'un plus large de sa part. Gardant un silence respectueux face à ce rare moment, la jeune femme posa une main sur l'épaule de la bleue afin de lui assurer que ce n'était rien. Elle relâchant cependant son amie lorsque celle-ci se mit à ramasser le dessus de la table en s'excusant de son état. Suki ria quelque peu, même si son amie semblait sérieuse. Heureusement qu'elle la connaissait, car elle ne savait que trop bien que la bleue était simplement gêné.

- Oh, ne t'en fais pas pour ça. C'est moi qui te dérange après tout. L'informa-t-elle afin de lui montrer qu'elle n'avait pas à s'en faire.

Après tout, c'était bel et bien Suki qui était entrée sans prévenir dans la '' bulle d'intimité '' de son amie. Alors, lui en tenir rigueur pour un peu de désordre aurait été bien mal vu de sa part. Affichant simplement un sourire, elle ne regarda pas pour autant ce qui se trouvait sur la table, histoire de ne pas empiéter non plus dans cette même bulle. Elle se contenta de regarder Archange et l'étrange air qu'elle avait sur le visage. L'avait-elle vexé d'une quelconque façon? Ou était-ce simplement le fait qu'elle ne savait comment réagir devant un tel présent? Quoiqu'il en soit, la pardusse ne tarda pas à avoir une réponse tandis qu'Archange lui demanda bêtement en quoi l'avait-elle mérité. Elle alla même jusqu'à insinuer qu'elle devrait peut-être lui en faire un en retour. Devant de tel propos, la chevalière constata qu'il s'agissait en fait de la deuxième option : L'ignorance. Chose qui fut immédiatement confirmé pas la bleue d'ailleurs.

- Comment réagir? Et bien, un simple merci suffit. Et tu l'as déjà fais alors... Affirma-t-elle soudainement gêné à son tour.

Les oreilles de la pardusse retombèrent sur son crâne, tandis qu'elle posa ses grands yeux verts de chats sur la bleue.

- Tu sais, c'est plutôt moi qui devrais te remercier en fait. Commença-t-elle. Non seulement pour tout se que tu as fait pour Kazhenn, mais également pour tout se que tu as fait pour moi. Je n'y serais jamais arrivé sans toi. Continua-t-elle alors qu'elle se mit à jouer nerveusement avec ses doigts. Ce médaillon appartenait à une amie qui m'étais très chère à l'époque. Elle souleva doucement le col de son uniforme afin de lui montrer la copie. Je te l'offre aujourd'hui parce que tu es pour moi, bien plus qu'une amie. Termina-t-elle en détournant les yeux.

Après le départ de Zaylar, Suki s'était sentit abandonné et délaissé pendant des mois. Jusqu'à ce que, par miracle, une amie sortit de nul part vint lui tendre la main sans rien demander en retour. Auparavant, les femmes ne s'étaient jamais montrées très proche l'une de l'autre, et maintenant, un journée sans elle semblait une éternité pour la pardusse. Étrange comme le temps fait les choses n'est-ce pas? C'était certes, inattendu, mais au combien apprécié.

Reportant son attention sur les flammes qui valsaient dans l'âtre, elle songea soudainement à se qu'elle aurait fait sans elle. Bien sûr, Sara aurait fait son possible, mais à quel prix? La pauvre servante n'était plus très jeune depuis tout ce temps. Elle s'esclaffait même à prétendre que c'était la jeune Suki qui l'avait vidé de son énergie de jeunesse. De plus, la pardusse n'avait pas franchement confiance, face aux autres servantes plus jeunes. Non qu'elle ne l'ai aimait pas, c'était simplement leur manque d'expérience qui ne rassurait pas son cœur de mère. Les autres femmes aptes à prendre une telle responsabilité était, pour la plupart, déjà bien prisent avec d'autre enfant. Le plus gros du problème était sans doute l'handicape de sa fille. Plusieurs enfants à surveiller ne devait pas être un problème mais si on ajoutait une aveugle dans le tas, les choses se compliquaient apparemment. Certes, Kazhenn demandait plus d'attention que les autres bambins. Alors, non seulement la bleue en avait fait une affaire, mais de plus, elle avait, volontairement ou non, redonné espoir à la jeune mère.

Car il est vrai que, mettant Kazhenn de côté, Archange avait fait d'avantage pour elle. Sans vraiment le savoir, elle avait donné courage à la jeune femme de continuer sans jamais baisser les bras. Faisant en sorte que son cœur ne souffre plus à cause de Zaylar, elle s'y était prise comme personne, comme une mère, une sœur, une amante. Son but n'avait pas été qu'elle l'oublie, comme tant d'autre souhaitaient, mais qu'elle passe à travers la tête haute. Jamais Suki ne la remerciait comme il se doit, face à la bonté soudaine de la bleue. Non, la femme ne l'avait pas ménagé, n'avait pas tenté de la couver non plus à l'aide de mensonge habile pour lui épargner la vérité. Elle s'était plutôt montré franche et direct, faisait ainsi un peu grand bien à la pardusse.

- C'est étrange, j'ai l'impression que ce n'est pas suffisant, à ta juste valeur... Laissa tomber Suki, le regard perdu dans le vide des flammes.

Se tournant de nouveau vers son amie, elle s'accota légèrement sur la table afin de se lever un peu plus vers elle. Déposant un petit baiser sur sa joue, elle la regarda ensuite avec un sourire sincère, dévoilant ses canines de chats.

- Merci Archange. Renchérit-elle en s’assoyant de nouveau.

La pardusse jeta un regard vers la pauvre, avant de reporter son attention sur son amie. Se rappelant qu'elle l'avait dérangée dès le début, elle essayait tout de même de ce faire le plus discrète possible, bien que la discrétion et Suki n'avait jamais fait bon ménage.

- Que faisais-tu, avant que je ne dérange tes activités? Demanda-t-elle simplement, en tentant de s'excuser du même coup.

Il est vrai que la jeune femme avait constaté l'air triste de son amie dès son arriver. Sachant que ce n'était peut-être pas ses affaires non plus, si elle n'avait pas envie d'en parler, Suki comprendrait également. Pourtant, la femme n'aimait pas voir les gens qu'elle appréciait souffrir d'une quelconque façon. Même si ce n'avait pas été de la souffrance qu'elle avait ressentit dans le cœur de la bleue, elle s'était fait un devoir de la protéger tout comme elle l'avait fait pour elle.

Archange avait vraiment la haine, se couvrir de ridicules d’une telle façon… Elle s’en voulait autant elle-même qu’à Suki. Franchement, pourquoi lui faire un cadeau du jour au lendemain ? Ah, c’est sûr qu’elle appréciait grandement le cadeau, surtout venant de sa part, elle comptait même le garder toujours sur elle et non le poser dans un coin de sa chambre comme elle l’aurait fait avec n’importe qui. Mais tout de même, la bleue espérait qu’elle avait une bonne raison, parce que son amie savait qu’elle était plus imprévisible en ce qui concerne les réactions face à des choses qui la dépassent. Évidemment qu’Archange n’allait pas faire retomber toute la faute sur sa sœur d’arme, elle ne voulait pas la blesser, et puis elle était en partie fautive de sa propre réaction ; si elle arrivait à mieux contrôler ses émotions, peut-être qu’elle n’aurait pas rougi comme cela… Non, maintenant qu’elle y repensait, les sourires de Suki et ses rires successifs à chaque gaffe de la bleue provoquaient irrémédiablement cela, c’était un fait. L’elfe aimait bien voir son amie aussi amusée, elle en était contente à son tour et une vague de bien-être l’envahissait à l’idée qu’elle venait de réussir à aider. C’était bien ce qui venait de se passer, non ? En acceptant naturellement ce cadeau, elle lui renvoyait son sourire, elle alla même jusqu’à poser sa main sur son épaule ; un geste apprécié par la princesse, vu qu’elle refoulait tout contact avec autrui sauf s’ils provenaient de ses propres amis, car c’est généralement dans ces moments-là qu’elle se rappelle qu’elle n’est plus seule, qu’elle peut sur certaines personnes et même les aimer. Et Suki, c’était celle qu’elle aimait le plus, elle ne s’en cachera jamais. La raison lui était encore inconnue, c’était comme ça, les dieux en avaient décidé ainsi, on dira.

En fait, beaucoup se seraient amusés du comportement soudain de la bleue et auraient profité de la situation. Et pourtant, la pardusse ne fit que la rassurer et la conseiller, voilà l’unes des raisons qui font qu’Archange puisse considérer Suki comme une véritable ami intime. A l’époque où elle était encore mariée et en couple, elle enviait son mari d’avoir une femme aussi bonne, drôle et compréhensive. Peut-être que même au tout début c’était de la jalousie, elle s’était rappelée rester distante d’eux lorsqu’elle comprit pourquoi elle se sentait mal-à-l’aise en leur compagnie. Bien sûr, ce désir d’éloignement finit par s’estomper au fil du temps, elle était toujours consciente que quelque chose substituait en elle, mais assez profondément pour l’ignorer ; au point que, même lorsque son amie se retrouva célibataire, Archange ne tenta rien, par respect pour eux. Aujourd’hui cependant, l’atmosphère semblait différente, cela devint plus remarquable lorsque Suki avoua que c’était à elle de la remercier pour tout ce qu’elle avait fait. Les origines du médaillon furent même révélées : il aurait appartenu à une très grande amie, et maintenant c’était la sholienne qui prenait cette place dans le cœur de la jeune femme. Cette confirmation que la bleue était plus qu’une amie pour elle, accompagnée d’un visage si mignon, fit l’effet d’une vague pour Archange ; elle voulait la serrer dans ses bras, là, tout de suite. Comme si elle y cherchait davantage son compte, elle pensait que Suki avait d’autres choses à avouer derrière ces mots. Loin de là que c’était insuffisant pour elle, c’était juste de l’intuition féminine, et puisque ces belles paroles étaient aussi inattendues que le cadeau en lui-même, la jeune femme se sentit obligée de lui alourdir ce fardeau.

" Voyons Suki, il est inutile de me remercier autant. Tu as fais beaucoup de choses pour moi aussi, c’est tout naturel… "

assura-t-elle, vraiment gênée par toute ce flux de bonté provenant de sa collègue.

Elle aurait voulu exposer d’autres contre-exemples, mais comme dit plus haut elle ne voulait pas la blesser pour un rien. Elle acceptait joyeusement le cadeau, et savoir que la pardusse en possédait également une copie parfaite accentuait une valeur symbolique qui lui sied bien. Archange pouvait dire tout ce qu’elle voulait, elle n’arrivait même pas à se convaincre elle-même qu’elle appréciait le geste, alors autant se taire. Elle avait d’ailleurs appris que c’était à ça que les amis servaient : à s’entraider et prouver notre amitié à chaque instant. Néanmoins, quand elle se disait cela, ça sonnait presque faux, vu qu’elle considérait Suki plus que comme une amie et cette dernière avouait la même chose. La bleue avait l’impression de tourner en rond, et, pour esquiver ce cercle vicieux, elle se contenta d’admirer plus en avant son cadeau, jetant de brefs regards à son amie qui semblait plutôt perdue dans les flammes. La sholienne se demandait bien à quoi elle pouvait penser, c’était bien la première fois qu’elle était aussi curieuse de savoir ce que son amie avait sur la conscience. Sous certains angles, la pardusse affichait un air… préoccupé, presque attristé, cela restait néanmoins relativement indescriptible pour quelqu’un d’aussi solitaire que la jeune elfe.

Toutes ses interrogations internes finirent par prendre fin lorsque Suki reprit la parole, une phrase pour le moins énigmatique et qui résonna tel un écho plusieurs fois dans le crâne de la bleue. Le plus merveilleux étant le baiser qu’elle déposa sur sa joue qui reprit rapidement des couleurs et le remerciement qu’elle lui offrit ensuite. Ah, Suki, ne lui venait-elle pas de lui dire que les remerciements étaient inutiles ? Pourquoi s’acharnait-elle à tant lui faire plaisir ? Et ce baiser… Ce n’était pas le premier qu’elle recevait de sa part, vous savez ces petits bisous brefs qu’on donne parfois à ses grands amis lors d’un moment d’euphorie ou plus généralement sous un état d’ébriété. Ce type de petites attentions, les deux femmes n’y ont pas non plus réchappées par le passé, mais celui-ci était vraiment différent. Sur les lèvres de la pardusse s’étant déposées sur la peau froide de l’elfe, il y avait comme un message, quelque chose que la bleue se devait de comprendre. Mais comment bien réfléchir à ce mystère lorsqu’on est encore sous le choc ? Une nouvelle fois, Suki la faisait tourner en bourrique, la victime détestait vraiment ça, et aimait pourtant beaucoup à la fois, quel étrange sentiment. Archange était encore dans la lune jusqu’au moment où sa camarade prit soin de la ramener sur terre en s’attardant sur un sujet tout aussi personnel, mais tout autre. Reprenant rapidement ses esprits, la sholienne passa une main rapide dans ses cheveux pour retrouver son calme, regardant le bazar présent sur la table afin de se concentrer sur autre chose.

" Hum, ça, c’est… des lettres.

quelle évidence, mais que dire d’autre ? Ah, peut-être voulait-elle savoir ce que faisait concrètement la bleue avec ?

Je les ai reçues hier soir, elles viennent de Shola, de ma "famille".

Archange n’avait pas trop abordé son passé avec la pardusse, mais comme avec tous les autres, elle avait menti sur la plupart des lignes, c’était une nécessité, il n’y avait rien de personnel là-dedans.

Donc, du coup… Je leur réponds, par une lettre.

elle se mit à tourner maintenant son regard vers la boîte renfermant la fleur de glace confectionnée par ses soins.

Et je leur envoie ça aussi… Interdit de toucher, sinon je te tue. "

s’ensuivit un rire bref de sa part, un petit sourire s’étirant également sur ses lèvres, elle ne faisait que plaisanter avec son amie, rien de méchant dans ces propos.

C’est sûr qu’Archange était devenue bizarre tout d’un coup, la faute à qui d’ailleurs ? Elle n’osa même pas croiser son regard maintenant, elle était une nouvelle fois de plus gênée d’agir comme ça. Pourquoi Suki était-t-elle aussi coquette aujourd’hui ? Pourquoi la bleue ? Cette dernière préférait naturellement une routine habituelle qu’à une journée chamboulant de toutes parts sa vision des choses et des autres. Comme dit, ce n’était pas pour lui en déplaire qu’elle acceptait cette amulette, ces remerciements et cet élan un peu poussé de sa part ; c’était certes nouveau, mais très apprécié. Maintenant qu’il y réfléchissait, Archange se sentait indigne d’elle : elle voulait lui rendre la pareille, mais comment ? Peut-être un cadeau aussi, non ça ferait trop déjà-vu, et puis elle avait dit qu’un simple remerciement suffisait. Tenter un baiser, sûrement pas. Loin de là qu’elle ne voudrait pas, c’est qu’elle n’oserait pas. Ce n’était pas vraiment de la timidité, ce n’était juste pas son style, vous imaginez vraiment Archange se pousser à faire cela ? Il fallait quelque chose qui allait bien à la bleue, quelque chose qui proviendrait naturellement d’elle. Instinctivement, elle repensa à ce rôle qu’elle a tenu dans son cœur durant toutes ces années.

" Dis, tu as l’air plutôt pensive ces derniers temps, comme si quelque chose te préoccupait et pesait grandement.

commença-t-elle en regardant de nouveau sa sœur d’arme dans les yeux.

Tu sais que tu peux tout me dire, je ferai n’importe quoi pour toi. "

rappela-t-elle pour remémorer le fait qu’elles veillaient l’une sur l’autre jusqu’à la fin.

Ce n’était pas bien difficile à Archange de deviner qu’il y avait comme un vide dans les paroles de son amie. Elle pensait notamment au regard perdu de Suki dans le feu, elle n’aimait pas vraiment la voir se mettre à réfléchir ainsi longuement, c’est comme si quelque chose la tracassait et qu’elle n’osait pas le dire pour ne pas la déranger ; pourtant, si elle la dérangeait avec ses ennuis, elle devait savoir qu’elle recevrait automatiquement le soutien de la sholienne. Dans le même contexte, la princesse avait comme qui dirait quelque chose qui s’apparentait un fardeau sur son cœur… Et si ce sentiment refaisait surface, mais à raisons ? Non, son amie devait déjà bien avoir assez de peines comme ça pour qu’Archange en rajoute une couche plus épaisse, mieux vaut repousser cela pour le moment. Toutefois, même si elle y mettait toute sa volonté, elle n’y parvenait pas. Elle faillit même se piéger toute seule dans la suite de ses propres paroles, comme si elle s’était senti obliger de préciser cela.

" On est proches, pas vrai ? "

rajouta-t-elle sur un ton un peu plus bas, ses yeux bleutés s’abaissant aussi légèrement sur son médaillon.

Elle voulait en fait dire qu’elles étaient amies bien sûr, même meilleurs amies depuis, mais ces mots là étaient sortis tout seul, "proches" dépassant de loin la notion d’amitié pour elle. La sholienne s’en voulait presque d’avoir dit cela d’une manière si naturelle, à croire que c’est ce qu’elle voulait insinuer depuis le début, elle semblait aussi vouloir se rassurer elle-même en prononçant ces quelques mots lourds de sens. Mais c’était fait, elle savait qu’elle ne pouvait pas y changer, alors elle ne fut nullement gênée par cela ; elle attendait même avec une certaine impatience, et une profonde crainte surtout, la réaction de son amie sur cette étrange perspective.

Le regard perdu dans les flammes, la Pardusse réfléchissait simplement à l'avenir qu'elle aurait eu sans sa camarade. Devenu trop lourd pour elle, elle tourna la tête vers elle, en lui signifiant qu'elle trouvait minime son remerciement face à tout ce qu'elle avait fait, et tout ce qu'elle lui devait. Malgré tout, la bleue souligna que c'était simplement naturel, rien de plus. Ne sachant trop pourquoi, Suki fut quelque peu déçu de cette réponse. Elle aurait sans doute apprécier une autre raison... Quoiqu'il en soit, la pardusse cacha habillement sa déception derrière un miroir de curiosité face aux lettres posés sur la table. Demanda bonnement ce qu'elle faisait, c'est à ce moment que la bleue semblait des plus mal. Avait-elle, encore une fois, percer les limites de son intimité? Quelque peu mal, elle détourna la tête vers sa sœur, Lui répondant que c'était des lettres, la femme arqua un sourcil comme intrigué. Effectivement, elle avait bien des yeux pour les voir après tout. Ce ne fut que lorsque celle-ci lui révéla le destinataire que la pardusse comprit enfin l'importance qu'elle avait pour elle. Depuis la défaite de Shola, le royaume était sous l'emprise tanieth. Ainsi dont, la famille adoptive d'Archange était toujours en vie, au prise avec ces monstres. Une soudaine tristesse s’empara de la femme-chat tandis qu'elle contemplait le visage de son amie. Elle-même n'aurait supporter que sa famille soit dans de telles conditions, alors imaginer ce que la bleue pouvait ressentir lui brisait le cœur. Les explications suivantes n'étaient pas moins évidente, mais la femme garda tout de même le silence, ne voulant pour rien au monde la mettre d'avantage mal à l'aise. Un petit sourire accrocher aux lèvres, elle la regarder déblatérer sur les lettres tandis qu'elle finit tout bonnement par un : Interdit de toucher sinon je te tue. Enfin, pour le coup, Suki reconnaissait la bleue telle qu'elle était réellement. Pendant un temps, elle eu presque peur qu'elle aurait changé d'une quelconque façon. Rassurer, elle ria doucement devant ces menaces qui n'étaient, pas le moindre du monde sincères.

Même si elle l'avait reconnue pendant un bref instant, la pardusse ne pouvait s'empêcher de constater à quel point elle était bizarre aujourd'hui. En fait, bizarre était un bien petit mot face à son comportement. Ne sachant trop comment interpréter cela, elle se demanda simplement si quelque chose n'allait pas. Comme si la bleu avait lu dans son esprit, elle la devançant en lui faisant la mention de son comportement étrange également. Cette fois, ce fut la femme aux cheveux violets qui prit des couleurs. Le rouge monta progressivement sur ses joues, jusqu'aux bouts des oreilles. Heureusement pour elle, son teint bronzé par le soleil en minimisa les effets, quoique cela ne couvrait pas sa gêne complètement. À vrai dire, c'était à cette instant même que la femme se rendait compte que c'était plutôt elle, qui était vaguement différente avec Archange depuis quelque temps. Réalisant tout cela, la femme se questionna même sur ses véritables sentiments face à sa sœur d'arme. Détournant vivement les yeux sur le sol, par sa soudaine constatation, elle ne savait comment expliquer les choses, ou même, si elle devait le faire simplement. Visiblement mal, elle jouait nerveusement avec ses doigts en les tortillant entre-eux. Ses oreilles s’affaissèrent sur son crâne tandis qu'elle évitait soigneusement le regard d'Archange. Comme si ce n'était pas suffisant, la bleue prit même la peine d'ajouter qu'elle ferait n'importe quoi pour elle. La rougeur de la pardusse s'accentua du même coup, alors qu'elle n'osa toujours pas se retourner. Évidemment, Suki trouvait quelque peu étrange de ressentir une telle chose pour elle, surtout pour une femme. Pas que cela posait un quelconque problème mais c'était, disons-le, un phénomène plutôt étrange. À vrai dire, la femme avait toujours cru qu'on tombait amoureux d'une personne et non d'un corps, et elle devait bien avouer que même marié à Zaylar, elle avait toujours été attiré, d'une façon spéciale, par la bleue. Puisque Suki ne supportait pas de voir les autres souffrirent, elle s'était simplement dit que c'était pour cela.

Mais depuis, après avoir passé beaucoup de temps avec Archange, elle s'était lentement rendue compte que ce n'était pas que son air froid qui avait ainsi attiré son attention, mais elle, dans son ensemble. Même si elle était mal, d'avoir enfin comprit, elle ne pouvait s'empêcher d’espérer au fond, que c'était réciproque.

- Moi? Pensive? … euh. Ce n'est rien.Commença-t-elle sans se retourner.Tu sais, des soucis quotidiens, rien de plus … Des choses que j'ai un peu de mal à comprendre. Ce … C'est ridicule, oublis-ça. Laissa-t-elle en suspend.

Bien sûr elle mentait, malheureusement elle n'avait jamais été très doué pour cela, donc c'était parfaitement visible vu son air. Sa nervosité se faisait de plus en plus pressante alors qu'elle se mit même à trembler légèrement, comme si un coup de froid l'avait transpercé. Suki prit quelques bonnes respirations, afin d'essayer de se calmer, chose qui ne donna pas vraiment de résultat souhaité. Étrangement, la chevalière se sentait sale de penser une telle chose de sa sœur, comme si, elle trahissait du même fait la mémoire de son défunt mari. Après tout, Archange avait été la meilleure amie de ce dernier, alors d'avoir de tels sentiments pour elle était sans doute déplacé. La femme se résigna à garder le silence, se mordant la lèvre inférieur, comme pour se punir. La bleue semblait toujours à la fut des pensées de Suki lorsqu'elle demanda : On est proche, pas vrai? La femme-chat eu bien faillit se déchirer la babine en même temps. Ses tremblement reprirent de plus belle, alors qu'elle risquait un coup d’œil dans la direction de son amie. Pourtant Archange ne la regardait pas, elle était préoccupé par le médaillon qu'elle lui avait offert plus tôt. Pendant que la bleue regardait ailleurs, Suki avança doucement le bras dans sa direction. Sans savoir pourquoi, tout juste avant de toucher son dos, elle se rétracta à la dernière minute avant de reposer pitoyablement son regard sur la table. Tentant par tout les moyens possible de savoir ce que '' proche '' signifiait pour son amie, elle roula l'information plusieurs fois dans sa tête.

- Euh … Oui, nous sommes très proche … Enfin, je l'espère.Laissa-t-elle tomber sur un ton rempli de sous-entendu.

Soudainement, la pardusse repensait aux paroles dites plus tôt par la servante : Depuis quand es-tu aussi nerveuse, ou as-tu quelque chose à faire de l'opinion des autres? Cette phrase semblait se répéter en boucle dans le crâne de la femme tandis qu'elle admirait maintenant le visage de la bleue. Après tout, elle avait bien raison! Ce n'était pas parce que son mari était mort qu'elle n'avait, maintenant, plus droit d'aimer quiconque. En fait, c'était plutôt le contraire, Archange avait parfaitement, sans le savoir, comblé ce vide qui avait autrefois pesé la pardusse. Comme si elle tentait de se convaincre elle-même, la femme se motivait à se donner raison sur ses sentiments, dégageant ainsi tout mal qu'elle aurait pu en penser un peu plus avant. Même si Archange était, au même titre qu'elle, une femme, ça ne changeait rien. Qu'ils disent ce qu'ils veulent, rien ne dérangerait Suki. Étant maintenant certaine de ce qu'elle ressentait, la pardusse jeta pour de bon sa main sur le haut du dos de sa sœur d'arme. Certes, elle n'avait toujours pas arrêter de trembler, mais ce n'était plus de la nervosité que l'on pouvait voir à travers ses yeux verts mais une nouvelle détermination.

- Puis merde …Lâcha-t-elle.

Sans crier gare, Suki prit le visage de la bleue entre ses mains et déposa ses lèvres sur celle de la bleue. Un simple baisser volé, avant qu'elle ne s'éloigne un peu, observant la réaction de la femme des glaces. Après tout, si elle comptait la rejeter, c'était le moment ou jamais. Autrement, Suki ne s'attacherait que d'avantage avec le temps, au moins, maintenant, elle serait fixé pour de bon. Étrangement, sa gêne l'avait quitté suite à ce geste inattendue. Planta son regard forêt dans celui de la bleue, elle attendait simplement les représailles, qu'ils soient négatifs ou positifs. Malgré tout, l'idée de se faire rejeté par elle lui briserait sûrement le cœur, mais elle n'en pouvait tout simplement pu. Son cœur battait la charade pendant qu'elle regrettait soudainement cette élan. Et si cela venait de tout gâcher? Jamais Suki ne s'en remettrait, si tel était le cas. Lâchant spontanément la bleue, elle tourna la tête vers le mur, comme si elle voulait s’éclater la tête dessus.

- Pardon … Excuse-moi.Finit-elle par articuler.C'est seulement que j'ai cru que … enfin … C'était peut-être stupide de croire que … Balbutia-t-elle.

Décidément, les mots ne semblaient pas vouloir sortir de la bouche de Suki. Comment les dires après tout? Elle n'avait jamais été très doué pour cela, ou tout simplement, pour exprimer clairement ce qu'elle avait sur le cœur. Se grattant les cheveux, signe visible de son malaise, elle aurait bien eu envie de se changer en souris pour se glisser sous la tapis, ou dans un trou … très loin.

Toujours aussi gênée par ses propres paroles, Archange essayait plus que tout de ne pas laisser sa langue dilapider n’importe quoi. Enfin, ce n’était pas n’importe quoi, c’étaient ses véritables pensées. Mais comment les exprimer soudainement ? Elle n’avait jamais été douée avec cela, et n’a jamais osé s’aventurer dans les eaux de son amie d’une telle manière. Non, elle ne pouvait vraiment pas se résigner à avouer à Suki qu’elle éprouvait des sentiments pour elle depuis longtemps. Déjà, à quoi s’attendait-elle ensuite ? Cela lui permettra certainement de dissiper le fardeau qui pesait sur ses épaules, mais elle sentait qu’elle le regretterait après, parce que la pardusse l’aurait rejeté, directement ou non. La bleue n’avait jamais clamé haut et fort son penchant pour les femmes plutôt que les hommes, elle avait en quelque sorte peur des opinions extérieurs, des jugements trop hâtifs à son égard. Peut-être même qu’elle ne se serait pas liée avec Suki car cette dernière n’aurait pas voulu qu’elle tente de profiter d’elle. Archange n’était pas comme ça en même temps : si elle voulait faire mal, elle le ferait physiquement, pas mentalement ; puisqu’elle savait que les premières blessures pouvaient être guéries tandis que les secondes perduraient dans l’esprit. La sholienne savait qu’elle devrait se taire sur cela, elle se devait d’être prudente sinon les futurs évènements lui échapperont complètement. Ce n’était pas le moment de risquer de perdre une amitié pour récolter encore plus, elle aurait alors les yeux plus gros que le ventre. Ah et puis, en faisant cela, elle lui manquerait totalement de respect, elle pourrait se sentir trahie de s’être faite considérée comme un objet de tentation par la bleue depuis tout ce temps. Plus elle y pensait, plus Archange s’apparentait à une adolescente, c’en était dégradant…

Pourtant, elle ne put s’empêcher de faire preuve de malice, trouvant la soudaine gêne de son amie touchante et amusante. Elle remarqua rapidement qu’elle aussi s’était mise à rougir, bien que ce soit moins frappant sur la peau mâte de la pardusse que sur la peau blanche de l’elfe. Et ce n’était pas tout, Suki se mettait à tortiller ses doigts et ses oreilles de chat s’affaissèrent sur sa tête ; elle redevenait très mignonne du point de vue de la princesse déchue. Étirant un léger sourire de satisfaction, Archange trouvait que c’était une revanche appropriée après ce que la pardusse lui avait fait faire plus tôt. C’est sûr qu’elle avait la rancune tenace, la bleue, ce n’était néanmoins pas suffisant pour lui en vouloir complètement, c’était seulement un juste retour des choses. Cependant, ce petit moment euphorique s’estompa lorsque la réaction de son amie tomba, cette dernière ne faisait que mentir, cela sautait aux yeux de la bleue qui avait un don pour discerner le vrai du faux, à mettre sur le compte de son pouvoir de voyance. La déception monta dans sa gorge, elle aurait vraiment espérer que d’autres mots franchissent les lèvres de sa sœur d’arme. C’était d’ailleurs bien pour ça qu’elle avait détourné ses yeux bleutés de son amie pour les reporter sur son cadeau, en rajoutant par la même occasion une couche pour la faire capituler. Néanmoins, cette dernière initiative avait été très dangereuse de sa part : elle avait failli trahir ses véritables sentiments enfouis depuis de longue date. Elle n’arrivait pas à se sortir de la tête cette idée alors qu’elle se répétait des milliers de fois que ce n’était pas le moment d’être fleur bleue… Prenant une grande inspiration, la sholienne parvint à calmer quelque peu son stress, bien qu’elle ne tremble pas autant que son amie ; d’ailleurs elle n’avait même pas remarqué que Suki tremblait à ce point, trop gênée de jeter un nouveau regard pour le moment.

Malgré toute sa détermination à rester secrète, la mine d’Archange s’assombrit lorsque son amie répondit presque avec hésitation à son interrogation précédente. Les quelques mèches de sa coupe en bol retombèrent sur son visage, masquant légèrement ses yeux qui n’osèrent plus jamais quitter de vue le médaillon. Au fur et à mesure que le temps s’écoulait, la sholienne sentait que l’envie de quitter cette pièce devint plus séduisante. Elle détestait plus que tout d’être aussi impuissante, elle avait toujours détesté cela : elle s’était promise d’être forte en toutes circonstances. Pourtant, les échecs s’accumulèrent, peu de victoires venaient aiguiser son courage, et là encore elle perdait contre elle-même. Faible, ce mot était tellement lourd à porter pour Archange, elle avait envie de tout casser à force d’entendre ce mot répéter dans sa tête. Elle n’en pouvait plus, c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase : elle veut finalement avouer ses sentiments, quitte à se prendre un vent, peu importait. Il pouvait se passer n’importe quoi ensuite, la sholienne savait qu’elle finira par craquer tôt ou tard, autant que ce soit le plus tôt possible pour être fixée. Surtout qu’elle voulait rester franche et ne rien cacher à sa meilleure amie, déjà qu’elle conservait beaucoup de mystères encore inavouées. Elle ne voulait pas la trahir, ce n’était aucunement son intention : elle prit donc son courage ternie à deux mains et darda une nouvelle fois Suki de son regard glacial.

" Suki, il faut que je… "

commença-t-elle par dire avant qu’elle ne se fasse couper dans son élan.

Ce fut d’abord les propres paroles de son amie qui la coupèrent puis le soudain contact physique qui s’ensuivit qui lui cloua littéralement le bec. Écarquillant grandement les yeux, Archange mit du temps à comprendre dans quelle situation elle se trouvait : la bleue ne pouvait pas s’échapper, Suki tenait son visage entre ses mains, ces dernières si chaudes pour elle. Mais c’est le reste qui lui apporta encore plus de chaleur : les lèvres de la pardusse volèrent le premier véritable baiser de la princesse. Ce geste-là, elle n’aurait jamais cru le voir arriver un jour, déjà qu’elle ne savait même pas que Suki était de ce bord, tout comme elle, elle ne lui avait jamais révélé ce penchant non plus ; à moins que c’était nouveau et récent chez elle, là peut-être qu’elle comprendrait. Mais dans tous les cas, ce baiser fut une source de renouveau pour l’elfe, elle sentit la glace de son cœur fondre, se briser, disparaître complètement pour ne laisser que de la chaleur et uniquement de la chaleur. La personne qu’elle aimait secrètement depuis toutes ces années était en train de l’embrasser, cela voulait donc dire que ses sentiments, bien que profonds, étaient réciproques. Archange sentit de légères larmes monter dans ses yeux, elle voulait lui renvoyer tout son amour à son tour, mais trop tard, le baiser à unique sens avait été trop rapide pour qu’elle en profite à son tour.

Ça avait été beaucoup trop court à son goût, bien qu’elle ne sache pas concrètement combien de temps cela avait duré vu qu’elle était totalement désemparée. Même si cet échange s’était terminé, et que la bleue n’avait tout simplement rien pu faire, elle laissait Suki la prendre entre ses mains de la sorte, elle ne voulait pas qu’elle la lâche, pas tout de suite. Pourtant, c’est ce qu’elle fit peu après qu’elles échangent un regard, le visage de la princesse reprit un peu plus de rougeur lorsque son amoureuse la fuyait une fois de plus. C’est là qu’elle articula difficilement quelques paroles presque incompréhensibles pour l’elfe mais lourds de sens. Ainsi donc, Suki elle-même éprouvait des sentiments pour elle, et dire qu’elle n’y avait vu que du feu depuis toutes ces années de célibat… Là encore, Archange se sentait stupide de ne pas s’en être rendu compte, même si elle savait qu’elle était loin d’être une spécialiste dans la matière. Quoiqu’il en soit, elle savait que c’était à son tour d’intervenir avant que tout cela dégénère, c’était certainement l’opportunité qu’elle avait attendue lors des débuts de leur relation ; en outre, c’était maintenant ou jamais. Pour la bleue, c’était clair : elle n’allait pas laisser son amie s’échapper comme ça, il n’en était pas question ou elle lui en voudra jusqu’à son dernier souffle. Sans crier gare à son tour, la sholienne se leva violemment, faisant vaciller sa chaise en arrière au passage, puis se plaça entre le mur que Suki faisait face. De nature bien directe, elle posa sa main sur la nuque de la pardusse, l’obligeant à la regarder, alors qu’Archange lui jeta un regard bien brillant, après tout elle était heureuse.

" Pas d’excuses qui tiennent. "

lança-t-elle sur un ton froid avant d’elle-même se lancer dans ce jeu.

Se penchant sur Suki, elle se courba assez maladroitement vu qu’elle était plus grande qu’elle, mais au final le résultat était là : elle l’embrassa à son tour, un baiser plus intense et insistant où elle y déversa toute la passion qui résidait dans les entrailles de son être. Cet échange, elle le fit perdurer plus longtemps que celui d’avant, elle devait bien en profiter au cas où son amie aurait trop peur de leur relation et qu’elle finisse par fuir, ce qui lui briserait irrémédiablement le cœur sans doute. Mais bon, vu le nombre de fois qu’on lui a écrasé son cœur, cela passera tout naturellement, bien qu’elle n’était pas si sûr de cela au final. En tout cas, au cours de ce baiser, elle avait fait glisser son bras juste au-dessus du bas du dos de la pardusse, tandis que sa main toujours accrochée à sa nuque l’obligeait à se rapprocher et à se coller à la bleue. Enfin, il fallait bien en finir pour que tout devienne clair et limpide, alors Archange finit par y mettre fin, à contrecœur. Reculant légèrement de sa sœur d’arme, elle la lâcha, laissant ses bras tomber le long de son corps. La sholienne eut dû mal à regarder de nouveau son amie, bien qu’elle s’efforce de fixer ses yeux bleus sur son joli minois. C’était le moment pour elle, elle ne comptait pas fuir, il fallait qu’elle affronte cette épreuve en face, même si elle se tortilla légèrement avant de finir par reprendre la parole.

" C’est… assez inattendu. Laisses-moi deux secondes.

exigea-t-elle d’une voix plus douce, déposant ses doigts sur ses propres yeux, comme pour les nettoyer de toutes traces d’incertitudes avant de se remettre droite et de regarder sans faillir la femme qu’elle aimait.

Je ne sais pas s’il faut que je le dise comme ça, mais bon je vais faire avec : je t’aime Suki, je veux que tu sois avec moi…

baissant légèrement la tête, elle prit quelques secondes de plus pour faire le point, admirant encore ce visage qu’elle aimait tant.

Si tu penses qu’on ne devrait pas, même si c’est réciproque, alors je respecterai ta décision. Mais saches que je suis heureuse d’avoir été honnête avec toi et que, peu importe le reste et les autres, je tiens à te montrer à quel point tu comptes plus que tout pour moi… "

avoua-t-elle enfin, étirant un petit sourire hésitant mais sincère.

Tout d’un coup, Archange se sentait véritablement libre, beaucoup plus légère qu’auparavant. Elle avait réussi à tout dire par des mots bien qu’elle savait qu’il restait encore les gestes pour prouver son amour. Mais avant tout cela, elle préférait surtout que son amoureuse soit sûre de sa décision : les relations entre femmes ne courraient pas les rues, il y aurait les moqueries et les regards inquisiteurs qui surviendront. Même si à cela, la bleue était totalement préparée, depuis Shola pour dire, néanmoins elle ne savait pas si c’était pareil pour la pardusse. En tout cas, la sholienne se jurait de la protéger de tout cela, elle en assumera pleinement la responsabilité, elle en faisait le serment et elle l’avait bien fait comprendre suite à la révélation de ses véritables sentiments. Alors elle attendait la réponse ou la réaction de sa sœur d’arme, très anxieuse mais toujours aussi épanouie d’avoir pu tout relâcher.

Profondément gêné par le baiser qu'elle lui avait donné sans avertissement, Suki s'était un peu éloigner, visiblement mal à l'aise. Elle bafouilla quelques mots incompréhensibles avant de tourner dos à la bleue. Cette fois, elle était certaine d'avoir gaffer en beauté. Elle se leva doucement, jugeant qu'il valait peut-être mieux quitter la pièce après ça. Déjà que cela avait été très difficile pour la Pardusse, la réaction inexistante de son amie lui avait fait croire que ce n'était peut-être pas réciproque après tout. Une fois de plus, elle se tournait en ridicule, sentant par le même fait, la honte l'emporter. Une fois debout c'était avec amertume qu'elle baissa péniblement la tête afin d'éviter le regard d'Archange. Elle s'apprêtait à tourner les talons lorsque celle-ci fit brutalement basculer son banc avant de l'accrocher solidement à la nuque. Elle l'implora du regard, mais également en parole de ne pas trouver d'excuse. Sur le coup, Suki crut qu'elle regretterais amèrement son geste, mais qu'elle ne fut pas sa surprise lorsque celle-ci déposa, à son tour, ses lèvres sur les siennes. Elle ne réagit pas sur le coup, donnant le temps à son esprit d'assimiler ce qui se passait à l'instant. Oui, elle ne rêvait pas. Les baisers de la bleue étaient quelques peu insistant, ce qui était loin de déplaire à la Pardusse. Une main déposé sur le bas de son dos, la remmena doucement vers la femme, alors qu'elle même, elle poussa les baisers plus loin. Ses oreilles de chats pointèrent vers le ciel, signe qu'elle était surprise mais encore heureuse. Sans en demander la raison, bien qu'elle n'en doutait plus maintenant, elle prit la femme par la tête, relevant de plus en plus la tête afin de lui montrer que c'est bien ce qu'elle désirait. Laissant libre court à ses émotions, Suki ne s'inquiéta même pas du fait qu'un chevalier ou même une servante puisse les voir. Non, elle s'en foutait carrément sur le coup. Plus grande qu'elle, Archange était doucement penché sur elle, tandis qu'elle dû presque se mettre sur la pointe des pieds. Non pas qu'elle n'était pas habitué avec la grandeur de son ex-mari.

C'est à ce moment que la femme éloigna quelque peu son visage, afin de reprendre son souffle. Curieuse, la Pardusse posa son grand regard vert sur elle, tandis que la bleue relâcha son emprise sur elle. Déposant ses bras le long de son corps, la Pardusse remarqua même qu'elle n'osait plus vraiment la regarder en face. C'est alors qu'Archange lui demande de lui laisser du temps. Évidemment, Suki n'allait surtout pas la presser d'une quelconque façon, non, elle ne voulait surtout pas qu'elle prenne peur comme elle-même l'avait fait plus tôt. Lui laissant le temps pour lui dire ce qu'elle avait sur le cœur, Suki l'écouta avec attention, tandis que la femme lui avoua carrément qu'elle l'aimait sincèrement et de plus qu'elle voulait partager sa vie avec elle. Bien sûr, ces mots avaient été un peu maladroitement, mais la Pardusse connaissait le caractère de la bleue, et comprit malgré tout. Par contre, la suite fut quelque peu décevante sur le moment. Comment pouvait-elle lui dire qu'elle comprendrait sa décision, si elle ne voulait pas être avec elle officiellement, après ce qu'elle venait de faire? Certes, Suki redoutait un peu l'opinion des gens, mais selon elle, il était tout simplement trop tard pour reculer. D'autant plus qu'elle ne désirait pas reculer non plus. Depuis des années qu'elle attendait ce moment précis, et elle n'allait sûrement pas laisser filer son bonheur d'être avec elle ainsi! Comme pour lui prouver une seconde fois qu'elle ne comptait pas revenir sur sa décision, mais surtout sur son geste, la Pardusse prit délicatement les mains de la bleue dans les siennes et planta son regard dans le sien.

- Je n'ai jamais été aussi sûr de moi Archange. Affirma-t-elle sans plu, afin de lui prouver qu'elle disait vrai.

Délaissant une seule de ses mains, elle la passa doucement sur la joue de la femme, en s'approchant de nouveau.

- Si tu es avec moi, je n'ai pas peur de ce qu'ils diront. Ajouta-t-elle pour la convaincre définitivement.

Après tout, c'était un ne peu plus vrai. Avec la caractère de son amante, Suki n'avait rien à craindre des autres car Archange leurs botterait volontiers l'arrière train. Elle lui souriait doucement, alors qu'elle imaginait déjà la crise cardiaque de Sara, ou même, la femme donnant une raclée à tout le monde qui oseraient regarder les deux femmes d'un mauvais œil. Suite à cette pensée, c'était plutôt un fin rire qui traversa les lèvres de la Pardusse. Non vraiment, elle n'était plu inquiète du tout en fait. Certes, Suki s'attendait ès des rumeurs qui feraient rapidement le tour du palais, à cause des servantes, mais encore là, sortir de l'ordinaire avait été l'histoire de sa vie non? En tant que Pardusse, elle avait toujours attiré les regards curieux ou autres, alors pour que ce soit de son apparence ou de son choix de vie, cela ne faisait pas grande différence après tout. Suki reporta son attention sur la bleue, en relevant, une fois de plus, légèrement la tête.

- Je t'aime Archange... Plus que tout au monde. Souffla-t-elle avec une teinte de joie.

Zaylar étant maintenant loin dans ses souvenirs, la femme se surprit à penser qu'elle n'avait pas dit ces mots depuis des années déjà. Certes, Suki avait aimé l'homme-dragon par le passé, mais elle se surprit elle-même en constatant que ses sentiments n'avaient jamais été aussi intense qu'envers la bleue. Pourtant, cet homme avait été nul autre que son âme-sœur. Étrange comment les dieux pouvaient choisir ainsi l'être dite '' complémentaire '' alors que le comportement de l'être créer ne penchait pas tout à fait dans cette direction. À vrai dire, la chevalière avait toujours su que quelque chose n'allait pas complètement dans son couple, et cela, elle l'avait comprit dès la venue d'Archange. Pourtant, Suki avait décidé, par le passé, de terrer ses sentiments qu'elle jugeait inapproprié vu sa situation. Mais aujourd'hui, elle était libre de ce mariage, de cette attache dite forcé par les dieux. La Pardusse avait retrouver les ailes de la liberté, et elle comptait bien s'envoler avec celle qui avait fait battre son cœur et qui avait attisé ses désirs depuis toutes ces années.

Tout comme Archange, Suki venait de se laisser d'un énorme poids qui pesait sur ses épaules depuis très longtemps. Tout sourire aux lèvres, elle lâcha pourtant la bleue, en regardant partout autour d'elle. Non pas qu'elle ne s'inquiétait d'un potentiel spectateur, mais plutôt qu'elle se sentait enfin soulagé de tout cela. Si elle savait qu'une personne ne jugerait sûrement pas et qu'elle en serait même ravie, c'était bel et bien Kazhenn. La petite adorait cette femme aux cheveux bleus, la prenant en quelque sorte comme une tantine avec le temps. Et bien maintenant, elle devrait s'en aucun doute apprécier qu'elle partage désormais la vie de sa mère.

Eh bien voilà, elle avait finit par avouer ses sentiments. Archange n’en croyait pas elle-même, c’était bien la première fois qu’elle se confesse ainsi, et comme tout un chacun elle craignait de se faire rembarrer et d’avoir le cœur brisé. Sauf qu’elle s’en était plutôt bien tiré, selon elle, bien qu’elle ne se rende pas compte que sa déclaration avait été plutôt maladroite. On ne pouvait pas vraiment lui en vouloir pour ça, rappelons que la sholienne n’est pas une femme comme les autres. Dans tous les cas, elle ne s’attendait pas du tout à devoir se déclarer à quelqu’un en fait, elle qui s’était tant convaincue que la solitude lui allait bien et qu’elle passerait une vie vouée à la guerre et à la justice. Tout cela aurait pu rester ancré dans son esprit si elle n’avait pas été intégrée dans un Ordre qui suit les mêmes principes qu’elle et que ce même Ordre fonctionne selon une fraternité très soudée. Tout aurait pu être différent si elle n’avait pas rencontré cette belle et jeune pardusse, son cœur ne se serait pas serré au fur et à mesure qu’elle passe du temps en sa compagnie. D’abord de l’aversion les avait unies, puis de la compassion, avant que l’amitié naisse et que l’amour prenne le pas. On pouvait dire qu’elles étaient presque passés par tous les liens relationnels possibles, c’était assez drôle dans un sens. Quand on les revoit cinq ans en arrière, à s’éviter comme la peste et à se disputer au sujet du meurtre d’une écuyère, il était difficile de croire qu’elles finiraient ensemble. Archange souriait toujours en repensant à cet évènement, c’était bien à ce moment-là qu’elles ont fini par sympathiser.

Au moins, la princesse déchue avait fini par trouver un plus grand réconfort à travers son amie, qui était à présent son amante, future fiancée peut-être ? Rah, penser à toute cette vie de couple, Archange ne pouvait s’y résigner, pas pour l’instant. Quand elle regardait des tourtereaux dehors, en train de se promener sous un joli ciel étoilé, elle n’arrivait tout simplement pas à s’imaginer à leur place. Non, tout devait se faire petit à petit, pas question de parler de mariage ou de ce genre de chose ; ne pas aller trop vite en besogne et tout se passera pour le mieux pour la bleue. Cette dernière devait d’abord s’assurer que Suki n’ait pas peur de ce qu’elles pourraient subir à l’avenir, et elle reçut ce baume d’assurance, ce qui eut le don de la soulager. Elle fut d’ailleurs touchée lorsque sa sœur d’arme s’était mise à saisir ses mains, comme deux promises. Encore plus lorsque son amoureuse déposa l’une de ses mains sur sa joue, ce qui étira un sourire un peu plus large de la part de la sholienne ; elle commençait vraiment à adorer cette chaleur que dégageait la peau de la pardusse, contrastant avec la froideur de la nordique. Même sur le moment, la grande guerrière n’arrivait pas à croire qu’elle vivait cela, elle se croyait davantage sous le statut d’une femme, d’une princesse en plus, que sous celui d’une combattante. Mais bon, même les sauveurs du continent avaient le droit de vivre heureux, c’étaient des hommes et femmes comme tant d’autres normalement. Parfois, lorsqu’elle regardait ses autres camarades liés par leur destin d’âme-sœurs, il est vrai que la bleue s’était sentie comme rejetée, comme si elle n’avait pas sa place ici. Enfin, tout ceci était du passé, elle pouvait elle-même montré qu’elle était une femme avec des sentiments après tout.

Finalement, ce fut au tour de Suki d’avouer son amour, elles étaient quittes maintenant. A ces mots-là, ce "je t’aime" qui offrait plus de bienfaisance qu’une simple vague d’apaisement, Archange prédisait sans l’assistance de son pouvoir qu’elle n’aura plus jamais le courage de quitter Émeraude pour aller à Shola, afin de continuer ce combat qui l’avait amené ici. Ce n’était plus une question de choix, elle ne pouvait pas se résigner à faire davantage de mal à sa sœur d’arme qui avait déjà bien assez souffert par le passé du fait de la mort de son époux. La princesse venait de lui offrir son amour, ce serait beaucoup trop égoïste de sa part de briser une nouvelle fois le cœur de Suki. Alors c’était ainsi, elle restera à Émeraude, pour elles, pour l’Ordre. Tant pis si elle devait attendre des années avant qu’ils se rendent dans le Nord pour libérer le royaume, elle patientera jusque-là. A croire que ces déclarations avaient atténué la rage de vaincre de l’elfe, sa vengeance paraissant beaucoup plus anodine face au présent qu’elle vivait ; bien sûr, elle n’allait pas abandonner sa promesse au peuple sholien, c’est juste qu’elle sera beaucoup moins aveuglé par ses buts qu’auparavant. Après tout, il n’y avait pas que la justice dans la vie, elle commençait à en prendre conscience. Enfin, tout se passait pour le mieux, Archange en était bien heureuse. Elle ne s’était jamais sentie aussi bien qu’en Émeraude maintenant. Néanmoins, elles étaient des chevaliers, elles avaient un devoir et donc des obligations. Alors la bleue se rappela soudainement qu’elle devait terminer au plus vite sa lettre avant que son écuyer se réveille, sinon elle n’aura jamais le temps de la rédiger durant la journée, et pas question de gâcher une soirée à cela. Reprenant un peu plus de sérieux lorsque son amie s’éloigna un peu, elle passa une main dans ses cheveux bleus, détournant un peu le regard comme elle le faisait aussi actuellement.

" Bon, hum, ce n’est pas que je veux te jeter dehors mais je voudrais être seule, le temps de rédiger ma lettre.

assura-t-elle avant de se rassoir devant ses affaires, après avoir bien évidemment remis en place la chaise qu’elle avait renversée.

C’est que tu pourrais me distraire, tu as le don de m’amuser, tu sais ?

rajouta-t-elle sur un sourire taquin, une pincée de sarcasme également, il fallait bien qu’elle reste fidèle à elle-même.

On se revoit ce soir ? J’aurai tout mon temps à te consacrer. "

proposa-t-elle enfin pour qu’elles se fixent une plage d’horaire où elles pourront reparler de tout cela.

Ceci dit, Archange laissa son amoureuse vaquer à ses propres occupations, se retrouvant une nouvelle fois seule dans le hall des chevaliers. Dès qu’elle s’était assurée d’être bien livrée à elle-même, elle étala complètement son dos contre le dossier de la chaise. Elle venait de vivre un moment important de sa vie, pour dire, normal qu’elle soit à ce point exténuée. Tout d’un coup, elle avait naturellement un paquet de choses à raconter à sa famille sholienne, elle en riait déjà de leurs réactions à la lecture de ces mots ; eux qui avaient toujours connus la princesse comme une femme froide qui ne s’occupe que de ses devoirs et davantage des autres qu’elle-même… C’est sûr qu’ils ne finiront par ne même pas la reconnaître si elle remet les pieds dans le royaume des glaces, en admettant qu’elle y remette réellement les pieds, ce dont elle s’était promise de réaliser au péril de sa vie. Enfin, pour le moment, il fallait consigner toutes ces révélations sur papier, elle ne se gênerait pas de dire tout ce qu’elle avait sur le cœur, tant que personne n’interférait là-dedans. Alors qu’elle continuait cette tâche, elle déposa son regard bleuté sur la boîte renfermant sa fleur de glace, sculptée par ses propres soins. En la rouvrant, elle se mit à admirer une fois de plus sa propre œuvre… Tout d’un coup, elle eut l’idée d’offrir cette fleur à Suki. Pour elle, ce serait totalement injuste de rien ne lui offrir en retour au présent de ce médaillon. Certes, c’était peut-être puéril de sa part, mais Archange tenait vraiment à la lui offrir : elle s’était faite une habitude d’offrir l’une de ses œuvres de glace aux personnes qui comptent le plus pour elle. La princesse l’avait déjà fait pour sa famille alors qu’elle était encore à Shola, ce serait bien la première fois qu’elle en fasse un à Émeraude. Ce cadeau en lui-même symbolisait davantage l’importance qu’attache à son receveur qu’une utilité pratique ; une fleur de glace avait beau être inutile, tout résidait dans l’intention, non ?

Décidée à fonctionner ainsi, le chevalier aux cheveux bleus prévint tout de même sa nourrice par le biais de sa lettre qu’elle ne recevra pas la fleur de glace pour cette fois. Connaissant Nanie, sa belle-mère, l’elfe était convaincue qu’elle comprendrait ce geste de sa part. Si elle avait été à ses côtés, elle l’aurait même encouragée avant qu’Archange ne puisse y penser. D’une certaine manière, la bleue était bien contente que sa famille ne soit pas en Émeraude, sinon elle n’aurait pas subi leurs réactions à distance, ce qui limiterait certainement les petites taquineries de leur part. Une fois sa précieuse lettre rédigée et enveloppée, elle passa la journée à entraîner son écuyer, ce dernier remarquant d’ailleurs à plusieurs reprises que son maître était plutôt tête-en-l’air en ce moment et qu’elle regardait autre part comme si elle cherchait quelqu’un ; il ne se gêna pas pour le lui faire remarquer, en retour la bleue doubla ses exercices pour le faire taire, pas question de lui bourrer le crâne avec ses propres préoccupations. C’est vrai qu’Archange n’arrêtait pas d’observer les environs afin de voir si Suki passait par-là, juste de quoi lui faire un petit coucou… Elle n’allait pas non plus l’éviter, cela paraîtrait trop suspects et contraire aux promesses qu’elle lui avait faite. La sholienne réussit donc à tuer le temps jusqu’à la tombée de la nuit, c’était pour elle le moment d’officialiser les choses avec son amie.

Ayant quitté son service dès le crépuscule, la bleue s’était enfermée dans ses appartements pour se préparer mentalement à aller voir Suki. C’était bien normal qu’elle soit aussi stressée d’aller la voir à ce rendez-vous qu’elles s’étaient fixées. D’habitude, elle se voyait tous les soirs pour partager un bon pichet de vin et autres moments de délire, mais là ce serait différent vu qu’elles ne partageaient plus le même lien. Ainsi donc, Archange ne savait pas trop comment se comporter. Devrait-elle porter quelque chose d’autre pour l’occasion ? L’inviter à aller dîner en privé ? Oh non, plus elle y pensait, plus elle savait que ce n’était pas son genre. Bien, elle restera alors naturelle, conservant sa tenue de sholienne bleutée et préférant plutôt aller la voir directement. Puis bon, Suki connaissait bien la bleue, elle ne serait pas surprise de cette décision de sa part. Malgré tout, la princesse ne pût s’empêcher d’arranger un peu plus son image dans le miroir, coiffant correctement ses cheveux et passant une fois de plus depuis des années la fleur qu’elle portait d’habitude sur le côté de sa coiffure ; cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas attachée cette fleur entre ses cheveux bleus, disons que ce n’était pas pratique pour une guerrière. C'était peut-être un peu gamin de sa part, mais elle s'en foutait complètement, tant qu'elle pouvait faire plaisir à son amante ; c'était bien d'ailleurs la seule chose qu'elle était éprise de faire pour elle : on lui retire juste la fleur de son crâne et c'est une Archange tout à fait banale qui apparaît, c'était donc bien le strict minimum qu'elle s'était faite subir. Pour ce qui est du reste, elle n’en fera pas tout un plat : tant pis pour le maquillage, tant pis si la tunique est un peu froissée et tant pis si sa peau blanchie était un peu tâchée à cause de cette journée quotidienne d’enseignement.

Prête de son point de vue, Archange prit son courage à deux mains et s’empara de la boîte renfermant la fleur de glace avant de se diriger vers la chambre de Suki, là où cette dernière se trouvait selon les sens du chevalier. Elles n’avaient concrètement rien de prévu ensemble pour cette soirée, mais elles verront bien si elles resteraient dans le château ou si elles iront ailleurs ; ce qui était sûr en tout cas, c’est que la sholienne ne comptait pas dîner en compagnie des autres chevaliers, elle voulait partager ce moment avec elle en tête-à-tête, c’est qu’elle avait quand même faim aussi. Tiens, elles pourraient bien manger dans sa chambre, même si la princesse n’y avait mis les pieds que très rarement et qu’elle ne se souvenait pas vraiment si cette pièce était arrangée pour recevoir des invités. Enfin bref, il fallait bien qu’elle se décide un peu. Inspirant un bon coup, Archange toqua finalement à la porte, deux coups suffirent avant qu’elle ne prenne la parole.

" Suki, c’est moi. "

dit-elle suffisamment fort pour se faire entendre, elle ne demanda pas encore à entrer vu qu’elle préférait laisser ce choix à la pardusse ; en fait, la bleue se demandait bien comment elle allait réagir lorsqu’elle la verrait ainsi arrangée, ce n’était pas tous les jours que l’elfe se rendait plutôt ravissante, plus princesse que chevalier en gros.

Prête à exploser en sanglot de part un pique d'émotion élever, Suki se retenu tout de même, pour ne pas s'humilier d'avantage devant la bleue. Un petit sourire malicieux planait sur ses lèvres, elle s’avoua enfin vaincu devant les charmes de celle-ci. Déclarant sa flamme, sans demander son reste, elle ne se fit pourtant pas accueillir comme elle l'escomptait. Non, pas de vent, pas de coup bien placé, au contraire, une certaine agressivité planait dans la pièce, tandis qu'Archange exprimait ses émotions à sa manière bien personnelle. Ne cherchant pas à comprendre la soudaine témérité qui l'envenimait, elle se laisse simplement guidé par ses sens et geste qui venaient d'eux-mêmes. L'heure de se demander n'était plus de mise il paraît, le temps d'agir avait plutôt dissout le premier. C'est par la suite dans un silence plutôt gêné que les deux femmes se regardèrent, un léger sourire sur les lèvres. Rien de bien méchant, ni même de mal en tant que tel, c'était simplement le soulagement de tous ces sentiments depuis longtemps inavoués. Enfin, c'était dit et fait. La Pardusse regarda de nouveau son amante, un regard d'admiration dans les prunelles, alors que celle-ci lui souligna avoir besoin de solitude afin de terminer ses lettres. Pour dire, la chevalière savait qu'elle la dérangeait depuis le début, c'était la moindre des choses de la laisser faire maintenant. Étirant quelque peu ses lèvres, elle alla tout de même déposer un dernier baiser sur les lèvres de la bleue, avant de reculer et de tourner les talons vers la porte du hall. Non, Suki n'insisterait pas d'aucune manière pour rester ou peu importe. Elle comprenait le besoin de sa sœur d'arme et elle n'avait aucunement l'intention de fourrer son nez partout. Même si Archange était maintenant son amante, cela ne lui laissait pas le droit pour autant. Continuant alors sa route vers la porte, elle prit tout de même le temps de se retourné juste avant celle-ci. Décochant un petit clin d’œil complice à sa sœur d'arme pour répondre à sa question. Bien évidemment qu'elles se revoyaient au soir! Comme presque tous les soir d'ailleurs. Pour Suki, rien de leurs habitudes n'avaient changés.

Quittant donc le grand hall afin de laisser Archange seule dans son intimité, elle passa devant ses propres appartement et constata que son écuyer dormait toujours. Un petit sourire aux lèvres, elle le regarda un moment, attendrit par cette vision. Pour dire, Zackarias était déjà devenu un fier adolescent. Rien à voir avec le gamin qu'il avait pu être dans le passé. Ces bras étaient solides, il avait pour dire beaucoup grandit, son caractère s'était endurcit et il se comportait déjà comme un homme. Puisque le mari de la jeune femme était mort, la Pardusse avait bonnement fait transféré le jeune garçon dans ses appartement, la future chambre de Kazhenn plus précisément. Maintenant seul, la présence du garçon avait le don de la rassurer. Quand à sa fille, cette dernière dormait toujours dans le berceau qu'elle avait fait disposé pas très loin de son lit à elle. Pour dire, elle sentait sa petite famille de plus en plus heureuse, et cela incluant évidemment Zack. Même orpheline, la femme se réjouissait tout de même à avoir eu autant de gens proche d'elle. Pour elle, ils valaient tous mieux que de véritable sœurs et frères. Pour commencer, Erwig était son cadet à n'en pas douté. Puisqu'elle avait été son maître, rien de plus normal qu'elle éprouve ce genre de sentiment pour lui. Par la suite, elle s'était fait une amie inconditionnelle de Myane, cette jeune femme blonde qui avait les traits de Raf. Évidemment, même s'il était encore jeune, Zackarias avait bien une place également dans le cœur de la chevalière, pour elle, il était comme un protégé. Le sachant timide et réservé depuis son plus jeune âge, la Pardusse l'avait peut-être un peu trop couvert. Quoiqu'il en soit, la place d'honneur revenait certainement à Archange, et vous savez pourquoi maintenant. Faisait, par la suite, stoppé son regard maternel sur le jeune homme, elle se retira enfin de ses appartements afin de ne pas le déranger. Elle croisa Sara en chemin, mais ne lui dit pourtant rien sur ce qui venait de se produire. Elle le saura bien assez tôt après tout. Pourtant, la servante ne plus faire autrement que de constater la nouvelle légèreté de sa fille adoptif et instinctivement, elle la suivit à la travers les couloirs jusque dans les jardins, là où la chevalière prit place sur un banc en contemplant de nouveau son propre médaillon, sans avoir remarqué la présence de la vielle femme. Pour faire savoir sa présence, Sara toussa quelque peu, bien que faussement, et posa un regard sur la femme-chat.

En silence, Suki la convia à venir s'asseoir avec elle, d'un simple signe de la main. C'est avec appréhension que la dame vint près d'elle, un air amusé et soucieux à la fois sur le visage. Depuis ce matin, la petite n'avait cessé de ronchonner sur son cadeau qu'elle trouvait des plus simples, et la voilà maintenant qui en regard la copie avec un sourire quelque peu malicieux. Ne comprenant pas tout à fait quelle mouche l'avait piqué, elle posa une délicate main sur la sienne, elle pénétrant attentivement son regard dans celui de la Pardusse.

- Alors? Était-elle contente de ton cadeau? Demanda-t-elle d'une voix douce et assuré.

Pour dire, Sara n'avait pas vraiment douté que cela lui plairait. Elle ne connaissait pas, personnellement, beaucoup la bleue, mais elle se souvenait déjà l'avoir entendu dire qu'elle aimait les bijoux. Enfin, sa mémoire lui faisait aussi défaut parfois, elle ne jura donc pas l'avoir bel et bien entendu. Pourtant, c'était sans ouvrir la bouche que répondit sa fille, avec un étrange rayonnement sur le visage. Pour connaître suffisamment sa protégé et ces airs sur le bout des doigts, elle comprit enfin la raison du fameux stresse matinal. Le sourire de la petite en disait long sur les événements, bien qu'elle s'en tenu de les garder pour elle.

- Tu sais, jamais je te jugerais mon enfant. Tant que tu es heureuse, je le suis également. Ajouta la vielle femme dans un ton de sagesse.

Suki n'avait pas très envie de discutailler avec elle en fait. Sa seule présence la réconfortait et les mots étaient pour le moins insuffisant en ce moment même. Elle se contenta donc d'esquiver un second sourire enjôleur, avant de s'étendre misérablement sur le bac, la tête sur les genoux de la femme. Comme elle le faisait lorsqu'elle n'était qu'une enfant, la femme passait ses longs doigts dans les cheveux de cette dernière, alors que la femme-chat ronronna doucement. Et dire qu'elle était maman celle-là! Et la voilà à se comporter comme une vraie gamine de bas âge. Bien qu'un peu déconcerté par ce geste qu'elle n'avait dû faire depuis des années, elle ne lui en tenait pas rigueur, comprenant son désir d'être en quelque sorte '' consolé '' suite à sa soudaine déclaration. Étrangement, bien qu'à peine réveillé depuis des heures, Suki se sentait complètement épuisé, comme vidé d'énergie. Ne comprenant pas tout à fait pourquoi, elle continua simplement de se laisser caresser les cheveux en silence, en écoutant attentivement le bruit des oiseaux qui parvenait à ses oreilles de chats, jusqu'à ce que la vieille dame lui rappel qu'elle avait encore beaucoup de tâches inaccomplies pour sa journée. Toute bonne chose à une fin non? Dans un regard entendue, elle quitta sa protégé pour se rendre aux cuisines, ayant depuis longtemps laissé Kazhenn au bon soin des autres servantes.

Le reste de sa journée se passa dans un relâchement et un épuisement certain. Pourtant, elle entraînement tout de même Zackarias, pendant quelque heure, dans les jardins. Était timide de nature, elle savait qu'il n'aimait pas vraiment être à la vu de tous et chacun. Ensuite, ils firent tous les deux un saut à la bibliothèque, afin de lire quelques passages que Suki trouvait important dans l'éducation d'un futur soldat. Pour la plupart, c'était des pensées de sagesses ou même, des façons différentes de voir le monde dans lequel ils vivaient tous. Rien de bien ingénieux, mais cela portait tout de même à réfléchir. Bien que la Pardusse voulait garder son attention vers son écuyer, elle n'était que trop souvent déconcentré par les actes du matin. Mais alors que le jeune lui récitait un passage, Suki perdit son regard par la fenêtre qui menait sur la cour extérieur. De là, elle pouvait apercevoir sa sœur d'arme qui donnait de solide leçon à son intraitable apprenti du nom de Reen. Pour dire, il lui sembla même, à certain moment, que la bleue la cherchait des yeux. Mais, ce n'était sans doute qu'impression ou même désir personnels. La remarque sur inattention de son maître rompit finalement le charme et elle tenta de son mieux à se détourner de la bleue. Chose qu'elle réussit passablement pour le reste de la journée d'ailleurs.

Le soir tombé, la femme s'était en quelque sorte '' débarrassé '' de Zackarias, en lui proposant chaleureusement d'aller rejoindre les autres écuyers pour le repas du soir. Pas qu'elle ne voulait pas le voir à sa table, c'était seulement que le sujet que les femmes aborderaient sûrement ne le concernait en rien et que, de plus, cela ne ferait que de les mettre mal à l'aise devant ces jeunes oreilles attentives. Comme s'il avait deviné le véritable vouloir de son maître, il se proposa même de faire exprès de rentrer plus tard. Sans doute avait-il comprit qu'elle avait un '' rendez-vous '', bien qu'il ne se doutait aucunement qu'il s'agissait d'une femme et pas n'importe laquelle! Quoiqu'il en soit, elle le remercia pour sa compréhension, avant de le voir quitter la pièce pour accoster ses amis dans le hall. Suki entreprit directement de ramasser quelque peu son appartement, bien que Sara l'avait déjà fait. Oui, peut-être un peu trop perfectionniste qu'était la Pardusse. Allant même jusqu'à replacer les quelques bibelots pour qu'ils soient tous symétrique les uns des autres. En pénétrant dans sa salle de bain, elle remarqua que la servante en avait déjà fait couler un, depuis environ trente minute, en voyant la tiédeur de celui-ci. Décidément, elle était un ange cette vielle femme. Malgré la non-chaleur total de ce bain, Suki y prit part tout de même. En tant que chat, elle n'avait jamais réellement aimé l'eau, mais avec l'habitude depuis son jeune âge, cela allait de soit aujourd'hui. Pourtant, le fait que le climat ne soit pas totalement chaud l'avait dérangé quelque peu. M'enfin, il ne fallait pas trop en demande non plus.

Toute propre, habillé et passablement sèche, quelqu'un cogna finalement à la porte. Bien qu'elle n'avait pas totalement terminé de sécher ses cheveux, elle alla tout de même ouvrir alors qu'elle tomba nez à nez avec Sara. Celle-ci claqua doucement des doigts, et d'autres servantes apparurent à sa suite afin de déposer des aliments sur la petite table au bord de la fenêtre. Elles allumèrent un feu, replacèrent les sofas et ce, sous le regard étonné de la Pardusse. Pour dire, la vielle femme ne faisait jamais rien à moitié. Déconcerté par l’efficacité des femmes, elle resta pourtant sans voix devant leurs agissements. Dans un regard complice, les servants quittèrent la pièce, tandis que Sara prit Kazhenn au passage en lui souhaitant une excellente soirée. Comme un pic, elle perdit alors un temps considérable, encore sous le choc. Se ressaisissant enfin, elle porta de nouveau la serviette sur ses cheveux et continua des les sécher dans un geste lent et quelque peu confus. Au moins elle était maintenant sûr d'une chose, le palais était maintenant au courant! Avec les servantes, rien ne restait très longtemps sous silence. Au fond, c'était peut-être une bonne chose, elle ne redouterait plus maintenant leur réaction, l'ayant vue en un instant sur le coup. Non, elles n'avaient pas sembler choqué par ceci, même au contraire, elle avait même ressentit un certain encouragement de leur part. Quelque peu perdu dans ses rêveries, on frappa une seconde fois à la porte et Suki s'empressa d'aller répondre.

- Tu as oublié quelque chose Sa... Commença-t-elle tout en ouvrant la porte, avant de remarquer que c'était Archange. Oh! Pardon, j'ai crue que c'était encore Sara. Ajouta-t-elle dans un sourire aimable.

Pour tout geste, Suki ouvrit pleinement la porte, et se tassa vers la gauche pour la laisser entrer. Remarquant soudainement qu'elle tenait toujours la serviette dans sa main, elle la lança vite fait bien fait derrière elle, en essayant de camoufler ce geste de son mieux. Persuadé qu'elle ne l'avait pas vue, Suki prit doucement les mains de son amie et la traîna légèrement derrière elle afin de lui montrer le petit buffet que les servantes avaient préparés pour elle. De ce fait, elle contempla un moment la tenu et l'arrangement de la bleue. À vrai dire, il était plutôt rare de la voir aussi bien soigné. Dans un sourire admiratif, elle regardait son beau visage en se disant qu'elle avait des airs de reines accoutré de la sorte. Quoique, elle était bel et bien à sa reine à elle!

- J'espère que ce n'est pas trop … Laissa-t-elle tombé, quelque peu inquiète de trop pousser les choses.

À vrai dire, la dernière chose dont désirait la Pardusse, était que la bleue se sente d'une quelconque façon poussé par elle. Suki connaissait que trop bien son impatience devant tout chose, et elle en voulait surtout pas le faire subir à son amie.

Suite à une bonne inspiration de sa part, la jeune princesse eut le courage de toquer à cette porte qui lui faisait office d’obstacle. Certes, ce n’était pas non plus compliqué d’affronter cet empilement de planche en bois, mais ce qui se trouvait derrière rendait la difficulté encore plus insupportable. Enfin, ceci dit, Archange n’allait pas fuir devant cette occasion, oh que non. Après tout, c’était bien elle qui avait proposé ce rendez-vous, ce serait bête de sa part si elle ne s’y rendait pas elle-même. Quoiqu’il en soit, elle venait maintenant de trahir sa présence, tout le reste ne dépendait que de Suki. Durant cette petite attente, bien que courte, la bleue se demandait si son amante s’était elle aussi préparée pour l’occasion. L’arrangement de l’elfe était quelque peu minime mais c’était mieux que rien, elle n’allait pas non plus s’y rendre en tenue de chevalier ! En même temps, Archange jetait des regards de droite à gauche dans le couloir, voir si quelqu’un passait par là. Elle était convaincue qu’une partie du château était déjà au courant, les rumeurs allaient de bon-train ici, elle avait eut largement le temps de le remarquer depuis ses débuts à cause de ses enquiquinements avec les servantes. Pour la guerrière, c’étaient des vraies pestes, se mêlant toujours de ce qui ne les regardait pas. La seule domestique qu’Archange pouvait parfaitement supporter, c’était Sara, et cela bien évidemment parce qu’elle était très proche de son amie. En même temps, la relation que partageait cette vieille femme avec Suki lui rappelait la même chose qu’avec Nanie, il était donc parfaitement normal qu’elle la respecte. En tout cas, elle espérait vraiment que leur situation quelque peu originale ne se répercute pas sur des moqueries plutôt blessantes et autres propos homophobes. Autant à Shola elle n’avait pas eu ce genre de problèmes, vu qu’elle logeait la majorité de son temps dans la maison de passe ; autant à Émeraude c’était différent, elle faisait extrêmement attention lorsqu’elle voulait se rendre au bordel ou lorsqu’elle se trouvait mêler dans une discussion dont le thème était l’amour ou le beau gosse de la rue d’en face. Il semblait bien que c’était difficile d’être une femme aimant les femmes ces temps-ci, voilà l’une des raisons pour laquelle elle ne s’était jamais vraiment éprise de quelqu’un auparavant.

Jusqu’à Suki en tout cas, qui d’ailleurs finit par ouvrir la porte. Au moment où la porte grinça, l’elfe eut pour le reflexe de passer ses mains portant la petite boîte de la fleur de glace derrière son dos, c’était après tout un cadeau, autant en faire une surprise par la même occasion. Ce qui surprit d’abord la bleue, c’est qu’elle s’était trompée de personne, s’excusant de l’avoir confondu avec Sara. Archange avait pourtant bien élevé la voix pour manifester sa présence, peut-être n’avait-elle pas parlé assez fort ou alors son amante était trop occupée pour l’entendre. Bref, ce n’était pas vraiment important, mais la bleue pencha tout de même légèrement la tête sur le côté lorsque la pardusse mentionna qu’elle croyait que c’était "encore" Sara. La vieille servante devait donc déjà savoir pour elles, et les autres aussi, c’était un peu gênant dans un sens mais il fallait bien qu’elles l’affrontent tôt ou tard ; autant que ce soit le plus tôt possible justement. En tout cas, Archange répondit au sourire de la pardusse par un tout aussi aimable, notant au passage que les cheveux de son amie n’étaient pas encore totalement secs, surtout qu’elle tenait encore une serviette entre ses doigts. Ce qui n’était pas le cas de la bleue : elle ne s’était pas lavée d’une part parce qu’elle n’avait pas fait trop d’efforts ce jour-là, entraîner le petit bleu n’était pas vraiment un exercice en soi, et d’autre part parce qu’elle avait perdu un temps phénoménal devant le miroir, à arranger correctement son image à cause d’une mèche rebelle et autre. Tout ce qu’elle pouvait espérer, c’est que ça ne se remarque pas trop, même si ce n’était pas la mort non plus. Ainsi donc, elle resta naturelle en pénétrant à l’intérieur, jetant un coup d’œil dans l’appartement de sa belle tout en masquant de son mieux son présent.

" Waouh, te connaissant, je m’attendais à ce que ce soit un vrai foutoir ici. "

commenta la princesse déchue devant la propreté des lieux sur un léger ton moqueur.

C’est vrai qu’elle ne la savait pas aussi perfectionniste, sa dernière visite ici datait depuis bien longtemps et rien ne correspondait à ses habituels souvenirs. Cela ne déplût nullement à la bleue, bien au contraire ! Suki avait dû développer ce type de comportement durant ses années de douce mariée, c’était bien la femme qui faisait le ménage et la cuisine pour l’homme après tout, même si au sein d’un grand château comme celui-ci, on pouvait parfaitement laisser les servantes faire le gros du travail. Ce qui était sûr, c’est qu’Archange ne se rabaisserait jamais à nettoyer les lieux, elle trouvait cela trop dégradant, déjà qu’elle avait du mal avec la cuisine… Elle serait, en quelque sorte, la figure masculine du couple, de part son caractère et sa carrure, bien qu’elle conservait une image plutôt féminine la plupart du temps. Enfin, elle n’allait se plaindre de rien, elle était tout de même chez sa bien-aimée là, elle se sentait toute légère et ne pouvait s’empêcher d’étirer un léger sourire en toutes circonstances. Tout ceci risquait de lui appartenir si les choses se concrétisaient entre elles, mais pour le moment il fallait vivre le moment présent, en toute intimité apparemment, vu que la fille de sa sœur d’arme, Kazhenn, n’était présente, ce qui n’était pas plus mal dans un sens.

Reportant son attention sur son amante, la bleue remarqua qu’elle n’avait plus sa serviette en main, elle avait dû s’en débarrasser au moment où l’elfe faisait son inspection des lieux. Enfin, que du détail, peu importe. Quand Suki s’approcha d’elle pour l’escorter vers leur table, Archange dû s’avouer être prise d’effroi : elle tenait toujours son cadeau des deux mains derrière le dos. Heureusement qu’elle eut le reflexe de tendre l’une de ses mains pour que ce soit celle-ci que la pardusse saisisse, tandis que l’autre main soutenait toujours le coffret. Franchement, elle se faisait du sang d’encre pour rien, mais cela comptait beaucoup pour elle ; après tout, le médaillon avait été lui-même un cadeau-surprise, autant que ce soit dans la même ambiance qu’elle lui offre cette sculpture de fleur, malgré le fait que ce soit la première fois qu’elle fasse un présent à l’une de ses amies, et non à quelqu’un de sa famille, ou plutôt de sa famille de substitution. Se laissant donc traîner jusqu’à la fenêtre, Archange déposa son regard sur la table garnie de mets en tout genre. Voulant s’écrier qu’elle avait vraiment mis le paquet, la bleue se ravisa, ce ne serait pas vraiment son genre de faire une crise d’hystérie pour de simples plats. A vrai dire, elle ne savait pas si c’était elle ou Sara et les servantes qui avaient préparé ce repas, mais qu’importe, ce n’était pas vraiment important d’en connaître sa provenance. Tant qu’elle était avec elle, elle finirait bien par ne plus faire attention à son environnement. Tournant alors la tête vers son amante, Archange fut séduite par le sourire qu’elle lui lançait, elle était si mignonne au point qu’elle voulait la câliner jusqu’à la fin de ses jours, comme un chaton en fait, ce dont elle était d’une certaine manière d’ailleurs. Devant l’inquiétude que lui faisait part Suki sur la situation peut-être un peu trop poussée, la bleue se contenta de détourner son regard tout en se massant la nuque d’une main, faisant bien attention à sa propre posture qui ne trahisse pas la présence de son cadeau.

" Oh, ne t’en fais pas, on a toujours été du genre un peu trop fonceuses.

assura la jeune elfe pour pas qu’elle ne s’en fasse trop pour rien, elle-même aurait poussé les choses beaucoup plus loin si ça ne tenait qu’à elle ; impatientes comme elles l’étaient, cela ne pouvait se terminer qu’ainsi.

Et puis, tant qu’on se voit, je m’en fiche du reste. "

rajouta-t-elle sur un sourire sincère en glissant ses doigts entre celles de la pardusse pour la réconforter un peu, plongeant alors son regard bleu dans ses yeux verdâtres.

Ce n’était pas totalement vrai d’un côté, la bleue a toujours été quelqu’un de plutôt regardante sur la décoration. Si l’environnement ne lui plaisait pas artistiquement parlant, c’était déjà un mauvais point selon elle. Non pas qu’elle se serait retirée si les appartements de son amante étaient réellement en désordre, mais cela n’aurait pas été bien vu de sa part. Néanmoins, Archange devait avouer que Suki avait sorti la grosse artillerie : tout semblait dans une perfection singulière, que ce soit le rangement, le repas en lui-même et la propre apparence de son amante. On savait déjà que la bleue était une princesse, mais elle l’était sans vraiment l’être en fait : elle avait depuis ses jeunes années un certain goût pour la richesse, le raffinage et l’architecture. Si elle détestait les monarques en général, elle en était extrêmement jalouse de leurs possessions, comme elle rêverait avoir son propre château avec tous ses biens assortis ! Et dire qu’elle aurait eu tout cela si Shola n’avait pas été un pays fortement corrompu, bien avant que les tanieths débarquent sur la côte apparemment. Mais dans ces circonstances, elle n’aurait jamais rencontré Suki, ce qui n’était pas plus mal finalement. La jeune elfe se contentera donc de la modeste demeure de sa fiancée, ce qui était déjà beaucoup plus conséquent que sa propre chambre plus petite que les appartements de la pardusse. Capricieuse, n’est-ce pas ? A mettre sur le compte de son noble sang.

Faisant pour le moment fi de tous ces détails, le chevalier aux cheveux bleus trouva que c’était le bon moment pour faire part de son présent. Autant le donner avant de passer au dîner, sinon elle se fera des anecdotes imaginaires sur le potentiel rejet de son amante ou autres, le genre d’histoires plutôt futiles vu leur liaison très proche en gros. De toute façon, elle ne parviendrait jamais à cacher ce coffret tout le long du repas, et elle était également impatiente de lui offrir, de quoi retirer un gros poids de sa conscience. Serrant donc un peu plus la main de Suki, elle la tira en sa direction pour l’avoir près d’elle. Archange afficha alors un petit sourire hésitant avant de déposer la boîte dans la main de son amie, l’ouverture tournée en direction de la pardusse pour qu’elle seule la voit exclusivement, bien que la bleue connaissait tout de même déjà la forme de sa propre œuvre. A l’instar de Suki qui l’avait forcée à porter le médaillon sans lui demander son avis avant, la sholienne avait été directe dans son offre, bien qu’elle n’ait pas ouvert le coffret pour montrer ce qu’il renfermait, laissant plutôt cet honneur à son amour. Même si cette fleur de glace ne lui revenait pas à la base, elle tenait vraiment à lui renvoyer son cadeau, c’est tout ce qu’elle voulait en ce moment-même. Déposant ses yeux bleus sur elle, son sourire se dissipa un peu, en attendant d’avoir une réaction de sa part.

" Tiens, c’est pour toi.

déclara-t-elle en retirant ses mains d’elle, la laissant elle-même découvrir le contenu de cette boîte superbement bien décorée ; plutôt impatiente et inquiète à la fois, la bleue prit alors un petit ton menaçant mais toujours dans la norme de la sympathie évidemment.

T’as intérêt à accepter ce qu’il y a à l’intérieur, sinon je te jure que je te frappe avec : tu verras, c’est du solide ! "

elle avait un peu froncé les sourcils durant ces paroles, voilà une Archange toute crachée !

Offrir un cadeau et l’imposer par la menace, il n’y avait vraiment que elle pour faire une chose pareille. Il ne fallait pas non plus lui en vouloir, ainsi était son caractère, et Suki avait déjà dû s'y habituer depuis bien longtemps. Heureusement que ce n’était qu’un présent, cela limitait en quelque sorte la casse. Au moins elle était franche : une fleur faîte de glace, c’était solide, cela risquait vraiment de faire mal si elle frappe avec. Puis outre la forme qui était tout de même révélatrice, une fleur étant un symbole d’amour entre autres, de la glace pouvait raviver une certaine beauté à travers cette œuvre. La bleue avait toujours été douée dans ce domaine de sculpteuse, grâce à son pouvoir de glace. C’était en quelque sorte innée, elle aurait elle-même pu monter sa propre boutique si la vie n’avait pas été aussi rude à Shola ou qu’elle aurait fui le pays sans devenir chevalier. Mais bon, ce n’était qu’un passe-temps comme tant d’autres, cela manquait d’action à son goût. A présent, tout ce qu’Archange espérait, c’est que ce cadeau plaise à sa bien-aimée, histoire d’être quitte sur la question des cadeaux. Elle lui en fera certainement d’autres à l’avenir, il fallait bien qu’elle se prépare à être romantique pour leur avenir.

Sa sœur d'arme maintenant dans son appartement, Suki s'était vite débarrassé de la serviette qu'elle avaient encore en main. Observant son amante de la tête aux pieds, elle remarqua à quel point elle s'était mise sur son plus beau profil pour cette soirée. Tant qu'à elle, elle sortait tout droit du bain, et n'avait même pas prit la peine de se maquiller ou même de ce coiffer. Il faut dire que la Pardusse n'était pas vraiment forte de ce côté là. D'une manière ou d'une autre, ses cheveux courts étaient tout simplement incoiffable. Pour ce qui était de son visage, son teint bronzé faisait souvent ombrage à n'importe quel maquillage, alors elle n'avait jamais réellement prit la peine d'en utiliser. Quoiqu'il en soit, elle ne pu s'empêcher de constater à quel point son amie avait fière allure d'un coup. Elle sourit légèrement, observant le visage de cette dernière. Ce qui la surprit pendant un instant, était l'étrange position dans laquelle elle s'était mise. Toujours de face, on aurait même dit qu'elle tentait de cacher ses mains. Peut-être s'était-elle blessé à l'entraînement ou quelque chose comme ça. Ne désirant pas qu'elle le voit.. Enfin, peu importe, ce n'était pas Suki qui allait l'obliger à quoique se soit non plus. Elle tourna plutôt la tête vers la table, alors qu'Archange émit un commentaire sur l'état des lieux. Cette remarque fit rire quelque peu la chevalière, puisque dans un sens, elle ni était pour rien.

Elle passa près de son amante et la convia à la table, n’émettant aucun commentaire sur sa remarque. Après tout, elle devait bien se douter que la maman célibataire n'avait pas réellement le temps de s'en occuper elle-même. Une fois devant cette table en question, elle supposa alors que c'était peut-être trop pour une première soirée. Sans attendre son reste, elle la rassura rapidement, en lui soulignant qu'elles étaient toutes deux d'un naturel très fonceur. Pour le coup, la bleue n'avait pas tort en fait. Suki apprécia sa justification et se détendit d'un seul trait. Sans doute était-elle trop dur avec elle-même, comme à son habitude. Se retournant vers elle, la femme continua son discours en lui assurant que cela ne l'importait que très peu, tant qu'elle était ensemble. Sur ces mots, un second sourire radieux apparu sur les lèvres de la Pardusse, définitivement rassuré face à ses angoisses. Elle allait tout juste proposer à sa sœur d'arme de s'asseoir lorsqu'elle s'arrêta net avant de lui tendre une étrange boîte, particulièrement bien décoré. Elle souligna alors que c'était pour elle, en prenant bien la peine d'ajouter qu'elle n'avait pas le choix de l'accepter sous peine de menace. Un rire amusé perça les lèvres de la femme-chat, tandis qu'elle posait un regard infiniment tendre sur la chevalière.

- Oui, madame. Prononça-t-elle en guise de soumission, sur un ton amusé.

Tendant les mains à son tour, elle prit alors la caisse entre ses doigts, les yeux illuminé de bonheur. À vrai dire, Suki était plutôt surprise qu'elle lui offre ainsi un cadeau, alors qu'elle-même lui avait mentionné que ce n'était pas la peine d'en faire autant. Elle-même, ne se souvenait pas que Zaylar y ait déjà offert quoique se soit pas le passé. Au fond, plus le temps avançait en compagnie d'Archange, et plus la Pardusse se rendait compte qu'elle n'avait jamais vraiment été heureuse avec l'homme-dragon. Plutôt étrange, puisqu'il avait été son âme-sœur en personne. Quoiqu'il en soit, c'était maintenant le passé, et la femme se trouvait très chanceuse d'avoir une amante comme Archange à ses côtés. Toujours avec un air illuminé, elle ouvrit finalement la boîte, non pas sans en avoir remarqué les moindres détails. Lorsque celle-ci posa son regard sur l'objet contenu dans celle-ci, elle écarquilla les yeux, comme une gamine devant le nouveau jouet de l'année. C'était une rose d'une beauté incroyable. Sur le moment, elle lui sembla faite en ver, comme les fenêtres. Mais lorsqu'elle approcha ses doigts de la fleur, la froideur qui s'en dégageait lui apprit que c'était en fait de la glace. Ayant peur de la faire fondre, elle recula la mains aussitôt. Évidemment, elle ignorait que sa sœur en avait fait une composition magique et qu'elle ne pouvait se transformer en eau. Même si c'était de la glace, on pouvait tout de même voir à travers celle-ci, quelque peu. La jeune femme bougea la boîte de droite à gauche, regardant la lumière des bougies de refléter sur les paroi de celle-ci. Étrangement, Suki ne semblait pas vouloir décrocher son regard de l'objet, qui l'émerveillait au plus haut point. Elle n'osait pas la toucher, de peur de la briser ou autre. La Pardusse se savait particulièrement maladroite par moment et ne voulait pour rien au monde rompre cette enchantement.

- Je ne sais pas où la mettre pour faire honore à sa beauté... Prononça-t-elle à demi-voix. Elle releva ensuite la tête vers sa sœur d'arme, les yeux rempli d'eau, tellement elle était touché. Merci Archange... Souffla-t-elle de nouveau alors qu'elle souriait de nouveau.

Les yeux de la femme-chat semblait éblouie, voir même trop. Une joie sortait d'elle et remplissait la totalité de la pièce environnante. Pour dire, Suki s'attendait à tout, excepté cette rose phénoménale. Finalement, la question qui la taraudais depuis le début finit par passé ses lèvres.

- Est-ce qu'elle peut fondre? Dois-je la conserver dans un endroit froid? Demanda-t-elle sur un ton mis mal alaise devant son ignorance.

Pour dire, la Pardusse ne souhaitait pour rien au monde voir cette merveille se transformer en tas d'eau dans le fond de cette boîte si bien décoré. Attendant les réponses à ces question, elle mit ensuite la boîte sur le rebord de la fenêtre fermé, en attendant. Finalement, elle fit signe à son amante de bien vouloir s’asseoir autour de la table, en déposant préalablement un baiser sur ces lèvres. Sans nul doute, la femme-chat était plus que contente du cadeau d'Archange. Une fois les deux femmes confortablement installés, elle lui convia alors de se servir sans gène. Puisque son estomac résonnait de famine depuis quelque temps, Suki ne se fit pas prier pour entamé la nourriture devant elle. Elle jetait de bref coup d’œil par si par là vers Archange, en admirant les traits de cette dernière. Un certain silence c'était installé dans la pièce, non pas un quelconque malaise ou quelque chose comme ça. C'était plutôt que les mots servaient souvent à rien dans ce genre de situation. Bien que Suki aimait parler pour ne rien dire, ce soir là, il semblerait qu'elle préférait simplement profiter du moment présent, rien de plus ni moins. Ce que la Pardusse appréciait par dessus tout avec la bleue, c'était justement ces silences qui semblait tout vouloir dire d'eux-mêmes. Depuis les années, elle n'avait jamais vraiment eu besoin de tout expliquer à cette dernière pour qu'elle la comprenne. Au contraire, la femme-chat avait parfois l'impression que la chevalière connaissait ses moindres états d'âmes ou maux de cœur, dans un simple regard. Elle appréciait ce fait, et en savourait même la complicité qui s'était créé entre elles depuis ce temps.

Étrangement, l'absence de Kazhenn en cette soirée fit en quelque sorte du bien à la femme. Il faut dire qu'elle passait presque tout son temps avec sa fille, ce qui lui laissait que très peu de répit pour elle-même. Tiraillé entre l'entraînement de Zacharias, les soins pour sa fille, elle n'avait que très peu de temps à consacrer à sa petite personne. C'était peut-être égoïste de sa part, mais le fait de n'avoir rien d'autre à faire que d'être en compagnie d'Archange lui faisait un bien fou. Même un maître et maman avait droit à une pause de temps en temps non? Étant mère célibataire depuis presque sa naissance, elle se demandait si seulement sa fille avait le moindre souvenir de son géniteur. À vrai dire, il avait disparu seulement quelques mois après la venue de cette unique enfant du couple. Pour tout dire, jamais Suki n'aurait cru revivre de telle émotion suite à cela, mais Archange s'était installé doucement dans sa vie, sans rien bousculer. Les événements s'étaient succédés les uns après les autres, comme quoi la présence de la bleue était devenue tout simplement normal pour la petite fille. Même si elle ne comprendrait sûrement pas tout de suite le rôle d'Archange dans sa vie, la chevalière n'avait aucun doute sur le fait qu'elle ne le prendrait pas en mal. Quoiqu'il en soit, le plus important dans cette histoire était le bonheur de Suki maintenant. Archange avait sue guérir les plais du cœur de la femme-chat, et elle comptait lui en remercier tout sa vie. Sara était déjà au courant pour elles, et d'une certaine façon, la Pardusse avait envi d'en parlé avec son amante. Elle brisa donc le silence qui s'était imposé de lui-même et plongea son regard des bois dans celui de la belle bleue.

- Je ne sais pas si tu avais remarqué, mais les servantes sont déjà à l’afflux de la nouvelle pour nous deux. Commença-t-elle avec un sourire rassurant. Sara l'a tout de suite deviné, et naturellement, elles sont de vraies fouineuses.Ajouta Suki, pour lui expliquer comment cela c'était rependu aussi rapidement. Ça ne te gène pas, j'espère? Finit-elle, soucieuse de savoir l'opinion de son amante à ce sujet. Pour sa part, Suki n'avait aucunement eu l'idée de cacher quoique ce soit à ce sujet.

Après son petit dérapage sur une presque menace, la bleue se disait qu’elle venait de royalement gaffer. Elle ne s’en rendait pas compte qu’elle était bien elle-même en ce moment et que cette méthode d’offrir son cadeau montrait qu’elle était parfaitement sereine face à son amante, tout à faire naturelle. C’était un très bon signe, au moins Archange ne se forçait pas à être quelqu’un d’autre pour plaire à Suki, car cette dernière devait l’aimer telle qu’elle était, ce qui voudrait dire qu’elle l’aurait déçue, en quelque sorte, si la princesse avait été paru plus douce, gênée et hésitante. Enfin, la sholienne sait se montrer douce aussi, peut-être pas autant que dans les couples de conte de fée mais assez pour maintenir une bonne relation. D’une certaine manière, c’était une bonne chose pour elle qu’elle n’ait pas à se modérer pour vivre l’amour, sinon elle serait célibataire à vie et cela ne l’aurait en fait pas tant gênée que ça. Mais bon, la pardusse savait à quoi elle devait s’attendre en s’engageant avec elle : une femme perdue en terrain inconnue, imposante par son physique et son caractère mais qui n’attend qu’à être guidée dans le droit chemin. Certains s’offusqueront quelque peu de sa petite montée en menace, mais d’autres en riront car ils la connaissaient, et Suki faisait partie des derniers. Le rire qui franchit les lèvres de la pardusse réconforta une nouvelle fois l’elfe qui ne savait vraiment pas s’y prendre, elle ne cessera jamais de penser que cette simple euphorie suffisait à la raviver complètement, seulement de la part de son amante, il va s’en dire. Encore une fois, Archange céda à ce regard tendre qu’elle lui adressait avant de rire un peu à son jeu de soumission. Ce qui était bien avec sa petite amie actuelle, c’est qu’elle savait quand la bleue était réellement menaçante ou si elle était menaçante mais sur une note de plaisanterie. De par ses antécédents et sa mentalité de brute froide, souvent les gens en tremblaient, même lorsqu’elle faisait en sorte de les malmener "gentiment". Peut-être un peu incomprise, la bleue, à croire qu’il fallait traîner avec elle à une fréquence semblable de la pardusse pour mieux la cerner. Non pas que c’était un véritable problème aussi, le peuple sholien a toujours été quelque peu mis à l’écart par les émériens.

Bref, chassant ces pensées quelque peu sombres de sa tête, Archange s’apprêtait enfin à subir la réaction tant attendu de sa bien-aimée. Croisant les bras sur son ventre, son sourire disparaissait un peu, elle se surprit même à croire discrètement les doigts. C’est dans ces moments-là qu’elle voulait ressortir sa boule de cristal magique afin de prédire les paroles ou gestes de Suki, son patience étant sans cesse mise à rude épreuve, pour peu qu’elle en ait, de la patience. Malgré tout, elle se retint de faire quoique ce soit, cela gâcherait l’effet de surprise, qu’il soit positif ou négatif. La bleue comprenait peu à peu que l’amour était un jeu où il fallait savoir assumer de prendre des risques, parfois de gros risques. Pour le moment, ce n’était que le début, mais peut-être que la suite finira par se corser. La princesse déchue fut tout de même plutôt rassurée de voir que son cadeau semblait lui plaire, vu comment elle le manipulait, à le regarder sous tous les angles possibles. Cette scène l’amusa quelque peu en fait, son sourire revenant une nouvelle fois à la charge. Suki a toujours eu ce côté enfantin et c’est sûrement ça qui l’attirait beaucoup en elle, outre les facteurs de beauté et d’amitié. Tandis qu’elle s’amusait intérieurement de cette réaction quelque peu gamine, son cœur autrefois de glace se resserra un peu lorsque la pardusse lui répondit enfin qu’elle ne savait pas comment rendre grâce à ce présent. Au moins, cette fleur lui plaisait, c’était le principal, à l’instar des bons retours de sa part pour le médaillon qu’elle portait bien évidemment actuellement. Ah, Suki possédait toujours les mots justes pour la faire craquer, elle se demandait vraiment si c’était fait exprès. N’y pensant pas plus, Archange la regarda dans les yeux lorsqu’elle finit par la remercier, ces mêmes yeux verdâtres étant quelque peu mouillés, certainement à cause de l’émotion. Séduite au plus haut point, la bleue posa à son tour sa main sur la joue de son amour.

" Je t’en prie, chaton, je te dois bien ça. "

assura-t-elle d’une voix douce, continuant de caresser un peu plus sa joue et ses quelques mèches de cheveux sur son passage avant de la laisser tranquille.

Les paroles de la bleue avait été plus sincères que ce qu’on pouvait le croire : Suki a été la première à voir en elle une autre personne qu’une véritable femme froide, pragmatique et brutale. Depuis ses débuts, on la raillait pour son insolence et ses moqueries, c’était pratiquement une ligue montée contre elle, d’où sa décision de s’isoler de tous malgré le code de fraternité imposé par l’Ordre. Et pourtant, il fallut qu’un évènement tragique les rapproche davantage, là où Archange avait fini par avouer à demi-mots ses faiblesses face à un meurtre d’une écuyère, là où son cri de ralliement avait permis à tous de se remettre de la disparition de leur cheffe ainsi qu’à prouver sa propre détermination à suivre les buts de son Ordre jusqu’à la mort. De là découlait la naissance de leur amitié. Sans elle, peut-être que la bleue ne serait plus parmi les chevaliers ou alors elle continuerait d’être réfugiée dans la solitude. Alors oui : elle lui devait ça, elle lui devait presque tout. Peut-être que la sholienne s’était montrée utile pour Suki et sa fille depuis la mort de son mari, ce n’était presque rien face à l’offre de confiance que la pardusse lui avait offert. Ce jour-là avait été alors une renaissance. C’était également dans ces eaux-là qu’elles avaient ouvert le rideau sur leurs soirées à boire jusqu’à plus soif, le traditionnel pichet de vin n’en avait jamais fini de les satisfaire ces deux là. Au fur et à mesure, Archange finit par s’habituer à cette amitié et quand on lui avait attitré le surnom de "la bleue", elle-même s’était laissée aller à ce jeu en qualifiant de Suki de "chaton", de par ses gènes de pardusse, mais aussi par le fait qu’elle était toujours aussi mignonne lorsque ses yeux d’émeraude brillaient de milles feux, comme en ce moment-même, et bien parce que l’elfe se montrait un peu moqueuse et provocatrice, gentiment bien sûr. Comme d’habitude, il suffisait d’une jolie bouille pour faire fléchir la princesse des glaces.

La magie du moment finit par s’estomper lorsque la question fatidique finit par tomber. En réalité, Archange aurait même été surprise si elle ne lui avait pas posé la question, on lui demandait toujours cela à chaque fois qu’elle offrait ce genre de sculptures glacées. Ainsi donc, Suki lui demanda si elle devait faire attention à cette rose du côté de la température. Pour tout dire, la bleue vivait elle-même dans une chambre dont l’atmosphère est réglée pour paraître froide, un peu comme les pièces du château de Shola. Ce n’était pas vraiment pour conserver correctement ses œuvres, c’était surtout dans son propre intérêt : elle n’a jamais supporté la chaleur, elle se rappelle être presque tombé dans les vapes rien qu’en entrant dans une forge, ne parlons pas de son excursion dans le désert qui avait été catastrophique ! Dont le dénouement avait été un échec d’ailleurs car ils n’ont rien pu rapporter de plus de ces ruines mystiques. Alors certes, cette fleur dégageait une certaine froideur car sa composition était massivement de glace, mais cela restait de la glace produite par sa créatrice elle-même, donc de la glace magique. L’endroit où on la déposait importait peu au final, le seul souci c’était de faire attention à ne pas la casser ; mais comme dit plus tôt, c’était très solide, il fallait vraiment y aller fort rien que pour détruire un seul pétale.

" Non, ne t’en fais pas, c’est de la glace imprégnée de magie. A moins qu’il y ait un feu magique à proximité, elle ne fondra pas.

jetant un œil sur les étagères autour d’elles, la bleue se disait qu’elle avait milles et un endroit où la placer comme cela la chantait.

Tu peux la mettre n’importe où sans risques. "

rajouta-t-elle pour lui confirmer que ses appartements ne semblaient pas renfermer des dangers pour cette fleur.

Cette interrogation résolue, la sholienne fut invitée à prendre place à la table. Heureusement enfin, c’est qu’elle avait sacrément faim en fait, étant trop perdue dans ses rêveries lors du déjeuner où elle avait à peine terminé son repas, à la grande surprise de son apprenti qui connaissait son maître comme quelqu’un de plutôt gourmande après quelques efforts physiques. Non pas que tous cela lui avait coupé l’appétit, c’était juste qu’elle était vraiment impatiente d’être à ce soir, elle ne fit donc que peu de cas du présent pour tuer rapidement le temps. Et maintenant elle y était, à s’assoir en face de sa bien-aimée qui en profita pour lui glisser un petit baiser dont Archange y répondit vivement. Même si c’étaient de petites attentions, elles avaient le mérite de lui plaire beaucoup, elle en aura jamais fini d’offrir ses lèvres à Suki, et c’était tant mieux. Si elles pouvaient se faire plaisir mutuellement, l’amour n’était donc pas si mal finalement. Elle était même convaincue qu’un jour elle n’aurait jamais pu s’en passer, le destin avait vraiment des tournures bien étranges.

Enfin bref, deux estomacs criaient famines dans cette pièce et une table bien garnie les attendait, il ne tenait plus qu’à elles de se jeter dessus. A l’instar de Suki, Archange entama le dîner de manière presque brusque, sans être gênée d’être perçue comme une véritable ogre. Alors qu’elle mangeait et buvait à sa guise, la bleue finit par sourire lorsqu’elle se rendit compte que son amie était dans le même état d’esprit qu’elle, à croire que l’attente avait été insupportable pour eux deux. Irrécupérables, elles faisaient bien la paire. Ce qui était assez surprenant, c’est qu’elles n’échangèrent aucun mot, juste quelques coups d’œil vifs qui eurent l’audace de provoquer un nouveau sourire de la part de la princesse lorsqu’elles croisaient leur regard involontairement. Néanmoins, la bleue ne ressentit aucune gêne, aucun malaise, elle se complaisait même plutôt bien dans ce silence étrangement réconfortant, peut-être que c’était la compagnie de son amante qui faisait tout. Archange n’osa pas non plus tenter de discerner ses pensées ou ses émotions, elle commençait maintenant à avoir peur de briser l’intimité de la pardusse, par respect, ou alors par pure envie de les connaître sur le coup et non à l’avance. Elle qui a toujours été impatiente et curieuse de connaître le futur, la voilà en train de se retenir pour ne pas casser l’ambiance. La sholienne commençait à croire que cette vie de couple finira par la changer un peu, même si elle espérait rester telle qu’elle était ; parce qu’au fond, elle se sentait bien ainsi, et elle n’était pas la seule à apprécier sa propre personnalité, apparemment.

De retour dans la réalité, Archange ne pût pas y penser davantage lorsque Suki se décida de prendre la parole. Avalant au passage la bouchée se trouvant dans sa bouche, la bleue lui donna toute son attention, bien décidée à être encore ouverte à la jeune pardusse qu’auparavant, même si elles étaient déjà très proches avant. Sa belle fit donc remarquer que les domestiques du château étaient déjà au courant pour elles. Nullement étonnée par cette nouvelle, il faut dire que la bleue n’a jamais aimé fréquenter ces femmes soumises pleinement à la hiérarchie. Non seulement elle n’enviait pas leur statut, mais en plus elles les trouvaient stupides de se réduire à ça. Ce n’était peut-être pas pire que de travailler dans un bordel, cela restait dégradant pour une femme de se faire percevoir comme un outil au service des grands, de son propre point de vue. Et puis, c’était surtout leur manie de se mêler des affaires d’autrui qui la révulsait, les rumeurs couraient rapidement dans les couloirs en partie à cause d’elles. Donc, ce n’était pas vraiment une surprise d’apprendre qu’elles étaient démasquées. Cependant, ce n’était pas ce problème que voulait relever la pardusse, c’était plutôt de savoir si Archange n’était pas gênée par cette position. Question plutôt futile aux premiers abords vu que la bleue l’a toujours assumé à Shola et que c’était pareil à Émeraude, même si elle ne savait pas vraiment si le château était au courant pour ses… goûts.

" Bien sûr que non, ça ne me gênes pas. Tout le monde sera au courant un jour ou l’autre, toute façon. "

répliqua-t-elle très franchement, on pouvait leur dire ce qu’ils veulent, rien ne changera.

Maintenant qu’elle y pensait, il était vrai que beaucoup de rumeurs circulaient dans l’édifice royal. Mais jamais elle ne lui semblait avoir entendu des histoires sur son cas, sur son homosexualité plus précisément. Selon les bouches à oreilles, on la disait froide, implacable, violente et qu’elle s’enfermait souvent dans ses appartements sans savoir pourquoi. A l’époque, ce n’était bien parce qu’elle venait de débarquer au château et qu’elle était seule, néanmoins, depuis ces cinq dernières années, les rumeurs à son sujet avaient été modifiées. De par son rang de princesse, même déchue, on disait qu’elle préparait son futur mariage arrangé pour prendre le pouvoir dans un royaume, cela justifierait pourquoi elle refusait tout le temps les avances des hommes. Ou encore, on racontait, mais beaucoup plus rarement, qu’elle ne s’intéresserait qu’aux femmes, d’où le fait qu’elle n’ait jamais cédé à ses prétendants et qu’on l’aurait parfois aperçu à une maison-de-passe. Pour toute réaction, Archange était en quelque sorte déçue qu’on cherche à lui donner une autre image de ce qu’elle était véritablement. Mais comment pouvait-elle s’imaginer crier sur tous les toits qu’elle était homosexuelle afin de faire taire toutes ces histoires ? C’était totalement impensable, elle ne s’était pas sentie capable d’assumer cela en Émeraude, peut-être justement par peur d’entendre de nouveau les rumeurs faire bon-train, mais surtout pour ne pas éloigner son amie qui croirait qu’elle veuille juste la séduire sur le dos de son défunt mari. Ainsi donc, Archange s’était recluse dans le secret, cette petite part de mystère faisait tout son charme. Tournant le regard en direction de la fenêtre, elle épia le reste de la cité tout en avouant ses quelques réserves du passé.

" En fait, je n’ai jamais vraiment caché mon attirance pour les femmes, alors qu’ils sachent ou pas, ça me fait rien…

commença-t-elle par dire afin de clarifier les choses sur les quelques désavantages de leur relation quelque peu extraordinaire.

Tu ne l’avais pas remarqué depuis tout ce temps ?

demanda-t-elle alors en se retournant vers Suki, plutôt curieuse de savoir si elle savait pour son homosexualité ou pas ; en tout cas, la réciproque avait été surprenante pour la sholienne, elle ne s’y était pas attendue.

Si je ne t’en avais pas parlé avant, c’est que j’avais peur de détruire notre amitié, que tu penses que j’essaie de profiter de toi ou je ne sais quoi d’autre. C’est aussi un peu tabou par ici, je ne voulais pas en rajouter à ma réputation assez dégradante comme ça. "

souffla-t-elle alors un peu plus doucement, comme si elle faisait ses aveux et mettait sur la table tout ce qui la dérangeait en ce royaume.

Il était vrai que depuis son arrivée, elle n’avait jamais cessé d’être descendu, en grosse partie à cause d’elle-même vu qu’elle venait d’un pays conquis par les tanieths et qu’on la comparait à une prédatrice assoiffée de sang et de vengeance. Pourtant, petit à petit, la soi-disant vengeresse tentait de se tailler un portrait de justicière aux côtés de ses frères et sœurs d’armes, bien qu’elle ne fût toujours pas vue d’un bon œil par beaucoup. Mais outre l’Ordre, le royaume continuait de l’imaginer comme une femme brutale et sans remords, c’était encore pire parmi les gardes qui désapprouvaient catégoriquement ses méthodes barbares, et les servantes qui la pensaient trop sûre d’elle-même et trop dictatrice aussi. Au fond d’elle, ce n’était pas une souffrance, elle avait des séquelles bien pires, mais Archange espérait toutefois que sa nouvelle vie de couple fasse justice à sa renommée.

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